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Victoria

Victoria

Titel: Victoria
Autoren: Joanny Moulin
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un étrange concert, qui s’étend dans le pays. Tandis que le jour se lève, les sirènes des bateaux de la Tamise leur répondent. Bientôt, des bandes de gamins vont et viennent en marchant au pas, tapant sur des tambours et des boîtes en étain. Les hurlements des crieurs de journaux attirent dans les rues les Londoniens, qui forment des défilés, brandissant l’Union Jack, s’époumonant à chanter Rule Britannia et autres chants patriotiques, en jetant en l’air des chapeaux qu’ils ne retrouvent pas. Des femmes se tiennent par le bras en groupes qui s’allongent en farandoles, décorées de rubans bleu-blanc-rouge. Pas un homme qui n’ait sa cocarde, pas un cheval, pas un omnibus, pas la moindre voiture qui ne soit hérissé de drapeaux britanniques, mais aussi américains, irlandais… Tout le monde portera bientôt des vêtements kaki, car déjà on n’en trouve pas plus à acheter que d’effets aux trois couleurs nationales. Les gentlemen les plus respectables oublient toute décence et déambulent dans les rues en soufflant à tue-tête dans des trompettes ou des cotillons, au milieu des confettis et des pétards. La maison du lord-maire de Londres est assiégée par un peuple en délire. À Hyde Park, celle de Mrs Baden-Powell est assaillie par les enthousiastes qui ont paré sa façade d’une immense banderole : «  MAFEKING  ! » Des cyclistes circulent en brandissant des portraits de Robert Baden-Powell. « Hourrah pour B. P. ! »
    La nuit venue, Londres s’illumine et la fête qui s’amplifie semble ne devoir jamais finir. À Windsor, une procession aux flambeaux se dirige vers le château, le son des cloches se mêlant à la musique des Life Guards et des grenadiers de la Garde, rejoints par les pompiers, les ambulanciers, la ligue navale, les volontaires, les écoliers d’Eton, les employés des postes et leurs cyclistes portant des lanternes chinoises, enfin tout ce que la ville compte d’uniformes. En présence de Sa Majesté, deux mille personnes font deux fois le tour de la grande cour carrée derrière la fanfare militaire, chantant en chœur Soldats de la Reine , et puis Rule Britannia , et puis encore God Save the Queen .
    « 19 mai 1900. Belle journée, écrit Victoria dans son journal. Le télégramme suivant, reçu du major général Baden-Powell, daté du 17 mai : “Heureux d’annoncer Mafeking libéré avec succès aujourd’hui.” Les gens sont tout à fait fous de joie, et Londres, dit-on, est indescriptible. »

64
    Marie Mallet, demoiselle de compagnie, laisse tomber son éventail et le ramasse en faisant grincer sa chaise. Elle agite bruyamment le journal qu’elle était en train de lire à haute voix. Rien n’y fait : Sa Majesté dort profondément. L’autre jour, au cours d’une conversation avec Arthur Balfour, ministre de la Guerre, elle s’est assoupie à deux reprises pendant plusieurs minutes. À chaque fois, elle s’est réveillée en sursaut, le priant de l’excuser, pour recommencer de parler avec animation.
    En Afrique du Sud, après la victoire de Mafeking, les Britanniques ont investi Pretoria et se sont rendus maîtres du Transvaal et de l’État d’Orange. Dans le nord du pays, les Boers poursuivent la résistance par des actions de guérilla. Les Anglais répliquent par une stratégie de la terre brûlée. Kitchener regroupe les populations dans des camps de concentration. Les batailles ont été affreusement meurtrières.
    La guerre des Boers n’était pas encore finie qu’un autre conflit éclatait en Extrême-Orient. En Chine, le gouvernement impérial s’appuie sur la révolte des Boxers. Trente mille Occidentaux et Chinois convertis au christianisme sont massacrés. Les légations occidentales sont assiégées dans Pékin. Les puissances occidentales écrasent l’insurrection par les armes, mais le bilan humain est épouvantable.
    Depuis la semaine noire de décembre 1900, Victoria ne cesse de pleurer sur les interminables listes de soldats morts et blessés. Une nuit après l’autre, l’angoisse l’empêche de trouver le sommeil. Elle exige de ses dames qu’elles ne la laissent pas s’endormir pendant la journée. Évidemment, la fatigue la terrasse à l’improviste.
    « Après la mort d’Albert, dit-elle à Marie Mallet, je voulais mourir, mais maintenant je veux vivre et faire tout ce que je peux pour mon pays et pour ceux que j’aime. »
    Le prince Alfred, son fils Affie, grand-duc de Cobourg, a
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