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Un mois en Afrique

Un mois en Afrique

Titel: Un mois en Afrique
Autoren: Pierre-Napoléon Bonaparte
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obstacles tellement graves qu'il nous a fallu, pour les surmonter, tout l'héroïsme de nos troupes. Voyons comment ils avaient surgi.
La base de la gestion de M. de Saint-Germain, c'était l'égalité devant l'impôt, et il n'avait voulu tenir aucun compte des privilèges des marabouts, dans un pays pourtant où cette caste est aussi nombreuse qu'influente.
    Il n'en fallait pas davantage pour nous faire des ennemis irréconciliables de gens qui n'auraient pas mieux demandé que de nous servir, si, comme les Turcs l'avaient fait avant nous, nous eussions ménagé leur suprématie. En 1848, la contribution des palmiers qui n'avait été, dans l'origine, que de 15 à 20 centimes le pied, fut tout à coup portée, sans transition, à 50, soit que ces précieux végétaux rapportassent leurs dattes ou qu'ils n'en eussent pas. Une mesure financière aussi vexatoire était justifiée jusqu'à un certain point par la nécessité où l'on était de fournir aux frais de fortifications de Biscara, frais que le gouvernement central n'avait pas voulu couvrir ; et en effet, 120,000 francs, produit du nouvel impôt, furent affectés à la construction de la casbah de cette oasis. Quoi qu'il en soit, un prétexte d'insurrection était trouvé pour les marabouts que nous nous étions maladroitement aliénés. Tous affiliés à la secte religieuse dite des frères de Sidi-Ab-er-Rahmann, qui a de nombreuses ramifications dans les Ziban, ils fomentèrent sourdement la révolte, à laquelle il ne manqua désormais qu'un fait déterminant.
L'administration directe de nos autorités militaires, et le nivellement de l'impôt au préjudice des anciennes prérogatives des marabouts et des familles nobles, voilà donc les causes principales de la dernière guerre. Deux autres motifs, bien que secondaires, méritent d'être mentionnés. D'une part, nos malheureuses discordes civiles avaient porté leur fruit jusqu'au fond de la province de Constantine ; de nombreux naturels des oasis, connus sous le nom de Biskris, établis à Alger, où la plupart font le métier d'hommes de peine, ne cessaient de mander aux leurs, depuis la Révolution de Février, que chaque jour nos régiments rentraient en France, que nous allions quitter l'Afrique, que nous nous battions entre nous, et mille choses semblables.
    D'autre part, une des conséquences de notre administration directe était d'annihiler complètement l'autorité du scheick El-Arab, qui avait été jusqu'alors un sûr moyen de domination dans le désert. Deux familles s'étaient trouvées, tour à tour, en possession de cette dignité, espèce de grand vasselage, les Ben-Gannah et les Ben-Saïd. Les Turcs, suivant les exigences de leur politique, les avaient alternativement élevées, et il faut le dire, de leur temps le scheick El-Arab était réellement le suzerain du Sahara, percevait les contributions, payait au bey de Constantine la redevance exigée, administrait comme il l'entendait, et garantissait ainsi de tout embarras le gouvernement suprême. En 1837, après la prise de Constantine, les Ben-Saïd, dont le chef a été tué à notre service, étaient en fonctions. En 1844, M. le duc d'Aumale leur substitua les Ben-Gannah qui y sont encore ; mais le titulaire actuel, que je connais, et qui est décoré de la Légion d'honneur, a vu son autorité tellement amoindrie que, pour ne citer qu'un exemple, il n'a pu, lors de la dernière campagne et bien qu'il fût dans notre camp, procurer au général Herbillon un seul espion à qui accorder créance. Cependant, la part d'impôt, que ce scheick prélève annuellement à son bénéfice, est de plus de 100,000 francs.
Telle était la situation des choses, lorsque le départ de M. de Saint-Germain et les détachements considérables exigés par l'expédition de Kabylie décidèrent les mécontents à se prononcer. Bou-Zian, ancien scheick de l'oasis de Zaatcha, annonça que le prophète, qu'il prétendit avoir vu en songe, lui avait ordonné de réunir les croyants et de les convier à la guerre sainte. Aussitôt, il sacrifie le cabalistique mouton noir, et invite de nombreux affidés au banquet sacré, où il donne le signal de l'insurrection.
    M. Séroka, jeune et vaillant officier du bureau arabe de Biscara, se porte à Zaatcha, avec quelques cavaliers, pour arrêter Bou-Zian et ses fils. Déjà ce fanatique était entre ses mains, quand, attaqué à l'improviste, M. Séroka se voit contraint de battre précipitamment en retraite, ramené
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