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Un mois en Afrique

Un mois en Afrique

Titel: Un mois en Afrique
Autoren: Pierre-Napoléon Bonaparte
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d'Afrique. Nous nous rafraîchîmes copieusement à une belle source d'eau vive, et tandis que nos chevaux mangeaient l'orge, qu'on déchargeait les mulets, et qu'on retirait des cantines notre frugal déjeuner, je m'amusai à chasser des bandes nombreuses de gangas, que je trouvai très farouches, pour une contrée aussi déserte.
Nous arrivâmes de bonne heure à l'étape d'Aïn-Mélilla, où ma tente fut bientôt dressée près de la fontaine. Les eaux abondantes qui en découlent, forment un long marais qui s'étend de l'est à l'ouest et qui, par sa végétation et les oiseaux aquatiques qui le peuplent, égaie un peu la triste vallée où nous nous trouvions.
    Elle est surplombée de deux montagnes arides qui semblent s'observer, et les Arabes de la tribu voisine nous assurèrent, sans perdre leur sérieux, qu'à certains jours, les deux colosses de granit s'avancent l'un vers l'autre dans la plaine et s'entrechoquent dans une lutte fantastique. Ces braves gens à imagination poétique s'appellent les Smouls, et comptent parmi nos plus sûrs alliés. Un de leurs chefs, à figure biblique encadrée dans un bournous blanc comme neige, vint me saluer et m'offrir la diffa. Elle consistait dans un grand plat de bois, à pied, comblé de couscous et de viandes. Ce chef me dit qu'il savait que j'étais non-seulement le frère du sultan des Français, mais le fils d'un prophète, et qu'il n'avait rien à me refuser. J'usai de son hospitalité, en lui demandant du lait qu'il nous procura aussitôt, et que l'ardeur produite par le sirocco nous rendit extrêmement agréable avec du thé. La nuit, des voleurs de chevaux vinrent rôder autour de nos tentes ; mais les chiens des douairs voisins firent un tel vacarme qu'ils les éloignèrent. Réveillés par leurs aboiements, nous entendîmes dans le lointain le rugissement d'un lion. Cette première étape, par son originalité romanesque, ne fut pas sans charme ; de Constantine à Aïn-Mélilla il y a quarante-deux kilomètres.
Dès que le jour parut, nous pliâmes bagage, et après quelques heures de marche assez vive, nous fîmes notre grande halte sur les bords du marais d'Aïn-Feurchie. Le gibier, dans cet endroit, foisonne, mais il est très défiant ; le pays, tout à fait découvert, ne permet pas qu'on l'approche ; je poursuivis inutilement deux grands et magnifiques oiseaux du genre des outardes. Continuant notre route, nous passâmes entre deux lacs salés qu'on appelle la Sebka.
    Dans cette saison, l'eau qui s'en était entièrement retirée, laissait à découvert une vaste plaine de sel, dont le blanc bleuâtre, sillonné de sentiers frayés par les indigènes, rappelait ces contrées septentrionales couvertes de neige, et où le soleil brille après une forte gelée. Nous rencontrions souvent des bandes d'Arabes, parmi lesquels des Sahariens qui, poussant devant eux leurs dromadaires chargés de sacs de grains, regagnaient le désert. Nous remarquâmes une femme qui, sur un cheval, entourée jusqu'à la ceinture de paquets de toutes sortes, se voila le visage quand nous parûmes. Trois autres femmes très laides la suivaient à pied. Le soin qu'avait pris la première de se cacher la figure à notre approche fait présumer, contrairement à ce qu'on croirait en Europe, qu'elle était jolie ; ses yeux l'étaient certainement, car tout en se dérobant à notre curiosité, elle avait soin de nous darder des oeillades assassines. Je la saluai en passant auprès d'elle, mais je n'en obtins qu'un dédaigneux silence. Avant le coucher du soleil, nous étions à l'étape d'Aïn-Yagout, distante de soixante-seize kilomètres de Constantine.
L'administration militaire a fait ici bâtir un bel abreuvoir et une grande maison de plain-pied qui sert, en même temps, d'auberge et de poste retranché. Je fus reçu par un sergent allemand de la Légion étrangère, à qui en était confiée la garde. Les Arabes, pour lesquels l'abreuvoir est d'une grande utilité, l'entouraient, en foule, hommes et femmes de différents douairs. Je me mêlai un instant à eux, et je pus remarquer que les événements qui s'accomplissaient avaient leur influence sur ces populations, et qu'une partie, du moins, était déjà ouvertement hostile à notre domination.
    Le lendemain, nous étant mis en marche sous un soleil ardent, nous fîmes notre halte et notre déjeuner à l'ombre de rochers gigantesques ; après quoi, nous quittâmes enfin la zone brûlée et sans bois que nous suivions
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