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Un mois en Afrique

Un mois en Afrique

Titel: Un mois en Afrique
Autoren: Pierre-Napoléon Bonaparte
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plus de trente ans. Or, en Février 1848, j'en avais trente-deux. Si je puis m'exprimer ainsi, c'est, après un long exil, qu'on me permette de le dire, une nouvelle proscription dans l'état ; car comment appeler autrement une disposition qui vous défend sans retour, dans votre patrie, la carrière à laquelle vous vous étiez exclusivement voué, ou qui ne vous permet de la suivre que dans des conditions anormales et intolérables ? [Voyez, pour le mode d'admission aux emplois des officiers au titre étranger, et pour les conditions de leur état militaire, le chapitre VI du titre IX de l'ordonnance du 16 mars 1838, et, aux pièces justificatives, le discours que j'ai prononcé à la séance de l'Assemblée législative, le 22 décembre 1849.]
Qu'on ne m'accuse pas de présomption, parce que j'ai supposé qu'une auguste assemblée aurait pu être appelée à se prononcer sur un intérêt individuel et aussi secondaire. Non, car non-seulement il est de l'essence des institutions démocratiques que les grands pouvoirs de l'État ne dédaignent pas les réclamations des plus humbles citoyens, mais les précédents parlementaires n'auraient pas manqué dans l'espèce.
Sous la monarchie de Juillet, les fils de l'immortel maréchal Ney passèrent ainsi, avec leurs grades, des rangs étrangers dans ceux dont leur père avait été un des plus glorieux luminaires.
    Les services des parents sont entrés plus d'une fois en ligne de compte, et pour ne citer qu'une circonstance récente, n'avons-nous pas, à la Constituante de 1848, voté par acclamation, et comme récompense nationale, la nomination, en dehors des règles ordinaires, du jeune fils de l'illustre général Négrier, qu'un plomb fratricide enleva si cruellement aux travaux législatifs et à l'armée ?
Quoi qu'il en soit, nommé, au titre étranger, par le Gouvernement provisoire, je me préparais à rejoindre mon régiment, lorsque un grand nombre de Corses résidant à Paris m'offrirent la candidature de notre département à l'Assemblée Nationale. La vivacité des sympathies de nos braves insulaires pour ma famille, leur culte enthousiaste pour la mémoire de l'empereur, rendaient probable ma nomination. Devant l'espoir fondé d'être au nombre des élus du Peuple, appelés à constituer définitivement la République, on comprendra que le service d'Afrique, en temps de paix, et surtout dans un corps étranger, dut me paraître une condition secondaire. M. le lieutenant-colonel Charras, alors sous-secrétaire d'État au ministère de la guerre, voulut bien m'autoriser à suspendre mon départ jusqu'à nouvel ordre. En effet, le 4 mai 1848, j'eus l'insigne honneur d'inaugurer avec mes collègues, en présence de la population parisienne, l'ère parlementaire de notre jeune République, et d'apporter à cette forme de gouvernement, qui avait été le rêve de toute ma vie, la première sanction du suffrage universel.
Le coupable attentat du 15 mai, les funèbres journées de juin, vinrent nous attrister dès les premiers travaux d'une assemblée, qui fut, quoi qu'on ait pu en dire, une des plus dignes, et qu'on me passe le mot, une des plus honnêtes qui aient jamais honoré le régime représentatif.
    Le 23 juin, pendant la séance, Lamartine quitta l'Assemblée, pour faire enlever une redoutable barricade qu'on avait établie au-delà du canal Saint-Martin, dans la rue du Faubourg-du-Temple. Il me permit de le suivre, et comme je n'aurais pas eu le temps d'aller chercher mon cheval, ou de le faire venir, il m'offrit un des deux qui l'attendaient à la porte du palais législatif. En compagnie du ministre des finances, et de notre collègue Treveneuc, des Côtes-du-Nord, nous longeâmes les boulevards, où quelques rares piquets de gardes nationaux étaient sous les armes. Au-delà de la porte Saint-Martin, nous fûmes entourés d'une foule de citoyens appartenant à la classe ouvrière, et dont la plupart, j'en ai la conviction, étaient le lendemain derrière les barricades. L'accueil qu'ils nous firent, les poignées de main cordiales qu'ils nous donnèrent, leurs propos vifs et patriotiques, m'ont douloureusement prouvé une fois de plus que les meilleurs instincts peuvent être égarés, et que la guerre civile est le plus horrible des fléaux.
Les projectiles des insurgés arrivaient jusque sur le boulevard. Lamartine tourna résolument à gauche, et nous le suivîmes dans la rue du Faubourg-du-Temple, sous le feu de la barricade et des maisons
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