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Un Jour De Colère

Un Jour De Colère

Titel: Un Jour De Colère
Autoren: Arturo Pérez-Reverte
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fume à son balcon, un autre
jeune homme de son âge, Francisco Huertas de Vallejo – qui, lui, s’est
compliqué aujourd’hui la vie, et beaucoup –, n’est guère rassuré. Son oncle don
Francisco Lorrio, dans la maison duquel il s’est réfugié après le combat et la
fuite mouvementée de Monteleón, l’a vu arriver avec une immense joie, gâtée
seulement par le fait que son neveu portait un fusil qui pouvait les
compromettre tous. L’arme enfouie au fond d’une armoire, le docteur Rivas,
médecin ami de la famille, a nettoyé et désinfecté la plaie du garçon, qui ne
présente pas de gravité, s’agissant du ricochet d’une balle qui n’a même pas
fracturé les côtes.
    — Il n’y a pas d’hémorragie, et
l’os est juste contusionné. Il faudra seulement vérifier dans quelques jours,
si la blessure reste douloureuse. À moins qu’elle ne suppure, tout ira bien.
    Francisco Huertas a passé le reste
de l’après-midi et le début de la nuit au lit, à boire des tasses de bouillon,
bien au chaud, dorloté par sa tante et ses cousines de treize et seize ans.
Celles-ci le regardent comme un nouvel Achille et se font raconter à n’en plus
finir tous les détails de son aventure. Cependant, plus tard dans la nuit, les cousines
parties et le jeune homme endormi, son oncle entre dans la chambre, les traits
altérés et un quinquet à la main. Il est accompagné de Rafael Modenés, un ami
de la famille, secrétaire de la comtesse de la Coruña et second alcade de San
Ildefonso.
    — Les Français fouillent les
maisons des personnes qui ont participé à la révolte, dit Modenés.
    — Le fusil ! s’exclame
Francisco Huertas, en se levant péniblement de son lit.
    Son oncle et Modenés le font se
recoucher sous ses couvertures et le tranquillisent.
    — Il n’y a pas de raison pour
qu’ils viennent ici, affirme son oncle, car personne ne t’a vu entrer ni n’est
au courant pour l’arme.
    — Mais on ne peut jamais tout
prévoir, précise Modenés, prudent.
    — C’est bien la question. C’est
pourquoi, pour plus de sûreté, nous allons nous débarrasser du fusil.
    — Impossible, se désole le
jeune homme. Quiconque sortira de cette maison avec lui s’expose à être arrêté.
    — J’avais pensé le démonter
pour disperser les morceaux dans des cachettes différentes, dit l’oncle. Mais
s’il y avait une fouille sérieuse, le risque serait le même…
    Désespéré, Francisco Huertas fait
une nouvelle tentative pour se lever.
    — C’est moi le responsable. Je
le sortirai d’ici.
    — Tu ne bougeras pas de ce lit,
affirme l’oncle en le retenant. Don Rafael a eu une idée.
    — Nous sommes tous deux liés
d’amitié avec le colonel des Volontaires d’Aragón, explique Modenés. Nous
allons donc lui demander de nous envoyer quatre soldats sous un prétexte
quelconque, et ils se chargeront du problème. À eux, personne ne demandera
d’explications.
    Le plan est mis en œuvre
sur-le-champ. Don Rafael Modenés s’occupe de tout, et le résultat s’avère des
plus heureux : au matin, à peine le jour levé, quatre soldats – dont un
sans fusil – se présentent à la maison pour boire un petit verre de marc offert
par l’oncle de Francisco Huertas de Vallejo, avant de retourner dans leur
caserne, avec chacun un duro d’argent en poche et une arme à l’épaule.
    Tout le monde ne dispose pas, cette
nuit-là, d’amis influents pour préserver sa liberté et sa vie. À une heure du
matin passée, sous la pluie qui tombe en rafales sur la ville plongée dans les
ténèbres, un lot de prisonniers trempés et recrus de fatigue marche sous forte
escorte. Presque tous ont été dépouillés, ils sont pieds nus, en gilet ou
manches de chemise. Ce groupe est formé par Morales, Canedo et Martínez del
Álamo – les trois qui ont été désignés lors de la décimation de Chamartín –
ainsi que par le secrétaire Francisco Sánchez Navarro. En passant par d’autres
dépôts et casernes, ils sont rejoints par le sexagénaire Antonio Macías de
Gamazo, l’agent du tabac des Douanes royales Domingo Braña, les fonctionnaires
de l’octroi Anselmo Ramirez de Arellano, Juan Antonio Serapio Lorenzo et
Antonio Martínez, et le valet de chambre du Palais Francisco Bermúdez. Presque
à la fin du parcours, sur la place Doña María de Aragón, s’y ajoutent encore le
palefrenier Juan Antonio Alises, le charron Francisco Escobar et le chapelain
du couvent de l’Encarnación,
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