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Un Dimanche à La Piscine à Kigali

Un Dimanche à La Piscine à Kigali

Titel: Un Dimanche à La Piscine à Kigali
Autoren: Gil Courtemanche
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qui s’entrecroisent dans mes veines ne me font pas de maladies, c’est peut-être qu’ils peuvent s’entendre. Je ne suis l’ennemie de personne. Je suis Gentille, fille de Jean-Damascène, un homme généreux et droit. Je suis la femme de Bernard Valcourt qui m’a appris l’amour en même temps que les mots de l’amour, et je suis la mère adoptive d’Émérita. Je ne reverrai jamais mon mari, je le sais. Il me reste pour supporter ce qui vient la respiration de ma fille qui dort dans mes bras et des mots que je lis sans arrêt et que je transcris ici pour mieux expliquer.
     
    Je suis fille d’un lac
    Qui ne s’est pas terni…
    … Je ris des viols absurdes
    Je suis toujours en fleur {15}
     
    12 avril
    Hier, Modeste est venu après que sa famille s’est endormie. Sa femme est jalouse. Il voulait me protéger, disait-il. Une femme tutsie arrêtée dans son secteur avait été violée par une dizaine de ses soldats. Puis ils avaient fait pire encore. L’anus perforé avec un gourdin, les mamelons coupés. Modeste ne veut pas que cela m’arrive, c’est pour cette raison qu’il me garde ici même si sa femme est jalouse et lui fait des ennuis. Mais je pourrais être gentille pour le remercier. Il ne sait même pas que c’est mon nom. Je ne veux pas être violée, je ne veux pas souffrir. J’ai ouvert les jambes. Il n’a même pas voulu que je me déshabille. Il est entré en moi sans dire un mot et a fait son affaire. Je sais qu’il va revenir demain et j’ouvrirai de nouveau les jambes sans protester, pour ne pas qu’il me batte, pour que je puisse rester ici. Car ici, je suis à l’abri.
     
    13 avril
    Il est revenu avant la fin de la matinée avec d’autres histoires d’horreur. Il n’est pas laid, il a un beau corps. Il me veut tout de suite. Ce sera un autre viol, je le sais, mais pourquoi il n’y aurait qu’humiliation et soumission ? Je voulais le caresser comme Valcourt m’avait appris à le faire, non pas pour le caresser lui, mais pour fermer les yeux et m’inventer des souvenirs du bout des doigts. Il m’a traitée de putain et, même si j’étais toute nue, il ne m’a même pas regardée. Si quelqu’un, un jour, lit ces lignes, on ne comprendra sûrement pas pourquoi une femme violée souhaite en retirer du plaisir. Je n’ai pas le choix. Chaque fois qu’il apparaît, je sais. Je ne peux pas me battre, je ne peux pas me défendre. Je ne veux pas qu’il me force, qu’il me déchire. Mais je sais qu’il va planter son sexe. Puisque je vais mourir, j’aimerais bien que mon violeur me rappelle mon mari et me donne du plaisir. Je sais que c’est ridicule. Cette fois, il a pris plus de temps et m’a tripoté les seins et les fesses. Pas un souvenir n’est revenu. J’ai honte de ne pas vouloir résister, mais je veux vivre encore.
     
    14 avril
    Sa femme est venue. Elle est encore plus mince que moi, on dirait une Tutsie. Elle est très jalouse. Je veux lui voler son mari, qu’elle me dit, et elle ne se laissera pas faire. Elle était accompagnée de ses deux frères. Ils m’ont fait mal. Je saignais de partout quand ils ont eu terminé avec moi. Émérita hurlait. Modeste dans la nuit est venu pour me prendre. Il a vu le sang et est reparti sans rien dire. Un viol de moins. Il a dû croire que j’avais mes menstruations.
     
    15 avril
    Bernard, pourquoi m’avoir fait découvrir que le corps était un jardin mystérieux et secret qu’on parcourt infiniment sans jamais trouver ni le commencement ni la fin ? Pourquoi m’as-tu enseigné le désir et aussi l’extase d’inventer la jouissance de l’autre ? Il y a quelques jours, j’étais mille lieux de plaisir, mille notes de musique que tes doigts, tes lèvres, ta langue transformaient en cantique. Aujourd’hui, je ne suis que deux petits trous sales et puants qu’on s’obstine à élargir. Pour eux, je suis sans yeux, sans seins, sans cuisses. Je ne possède ni joues ni oreilles. Et, j’en suis certaine, ils ne ressentent même pas de plaisir. Ils se vident, ils se soulagent comme on urine ou on c… (je ne peux pas écrire ce mot) en transpirant, parce qu’on s’est longtemps retenu. Et surtout, pourquoi m’as-tu appris le pur plaisir, celui qui nous transporte dans un monde qui ne doit rien à l’amour ou au désir, dans un monde de pure chimie, de cellules qui se dilatent et qui explosent, un univers d’odeurs âcres, de peaux qui se frottent, de sueurs qui collent aux cheveux, de mamelons
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