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Un Dimanche à La Piscine à Kigali

Un Dimanche à La Piscine à Kigali

Titel: Un Dimanche à La Piscine à Kigali
Autoren: Gil Courtemanche
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tout, absolument tout disait que Gentille était morte. Valcourt craignait en fait de ne pas connaître la mort de Gentille, car alors sa disparition se confondrait avec cent mille autres morts, comme une goutte d’eau dans une mer de drames sans noms et sans visages. Gentille méritait d’exister jusque dans sa mort, et Valcourt savait qu’il ne pourrait vivre s’il ne parvenait pas à écrire la mort de Gentille. Les assassins ne l’intéressaient pas, leurs noms importaient peu. Figurants obéissants, marionnettes ridicules, pauvres bougres floués par tout le monde. On ne pouvait faire leur procès, ni réclamer de punition, car devant les tribunaux de chez lui on les déclarerait incapables pour cause d’empoisonnement collectif de la pensée.
    De l’hôtel il ne restait que le ficus, qui déployait sa luxuriante beauté tel un repoussoir pour la bêtise des hommes. Il avait croisé quelques soldats qui campaient dans le hall couvert de détritus. La piscine était vide. Les réfugiés de l’hôtel l’avaient bue. Ils avaient aussi mangé les quelques oiseaux de la volière, dont la porte battante grinçait au gré du vent. Il manquait quelques eucalyptus autour de la piscine, qu’on avait coupés pour faire bouillir l’eau, après avoir épuisé le bois des tables et celui du mobilier des chambres. Les corbeaux et les buses s’en accommodaient et se perchaient, toujours plus nombreux, sur les branches qui restaient. Les yeux de Valcourt parcouraient chaque centimètre du grand jardin maintenant désolé. Voilà, il était de retour chez lui, se disait-il. Il regardait sa maison vide, comme le veuf qui rentre seul après avoir enterré sa femme. La douleur et la tristesse s’étaient endormies. Valcourt ne ressentait ni colère, ni amertume, pas même de désespoir. Pire, il avait beau creuser en lui-même, il ne trouvait que le vide. Un vide absolu. Gentille avait donné un sens à ce paysage. C’était à son tour de tenter de lui en donner un.
    Zozo le regardait, et ce n’était ni un rêve ni un mirage. Seules ses lèvres souriaient. Ses immenses yeux noirs regardaient Valcourt avec la tristesse désolante des chiens battus. Pourquoi, pourquoi Valcourt était-il revenu ? Pour retracer le chemin de Gentille depuis le moment où un sergent de la garde présidentielle l’avait séparée de lui.
    — Monsieur Bernard, je ne sais rien. Je sais seulement qu’elle est morte.
    Valcourt le savait déjà, il ne s’était jamais fait d’illusion. Mais il ne rentrerait au Canada qu’après avoir tout appris sur la mort de Gentille.
    Il s’enquit des amis. Il connaissait la réponse, mais il le faisait par respect pour leur mémoire. Il fallait bien que lui, le vivant, entende chacun des prénoms et le mot « mort » lui être accolé. Il disait un nom, Zozo répondait « mort ». Ils célébrèrent ainsi les funérailles d’une trentaine de personnes, dont toutes les filles de madame Agathe. Victor ?
    — Victor, dit Zozo en riant, il aimerait bien avoir des clients dans son restaurant.
     
    Victor étreignit Valcourt. Il le retint de longues secondes sur sa large poitrine, comme si c’eût été Valcourt le survivant, et non pas lui. Puis il posa les deux mains sur ses épaules, qu’il serra presque brutalement, et dit :
    — Tu es un homme, Valcourt. Ils ne sont pas nombreux ceux qui ont le courage de revenir sur leurs traces jusque dans les coins les plus sombres de leur vie.
    — Elle est morte, n’est-ce pas ? Tu sais comment, tu sais qui ?
    — Oui, elle est morte, la mère d’Émérita me l’a dit, mais je ne sais pas comment.
    — Et le sergent ?
    — Je ne le sais pas. Viens manger. Tu m’excuseras, mais je n’ai pas de poisson ni de bière. Mais j’ai des œufs, des haricots, des tomates et du champagne sud-africain.
    Victor raconta ses opérations de sauvetage comme on raconte des aventures de camping ou une partie de pêche. Il riait de chacune des difficultés qu’il avait surmontées et se moquait de ses craintes. Il protesta vigoureusement quand Valcourt louangea son courage. Somme toute, il n’avait fait que ce que tout homme muni d’un peu d’argent aurait fait à sa place. À Zozo, qui s’extasiait aussi, Victor répondit sobrement qu’il n’était pas un héros mais un chrétien. « Tu vas m’aider à découvrir ce qui est arrivé à Gentille ? » demanda Valcourt. Victor acquiesça en détournant les yeux.
    Une bouteille de champagne à la
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