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Troisième chronique du règne de Nicolas Ier

Troisième chronique du règne de Nicolas Ier

Titel: Troisième chronique du règne de Nicolas Ier
Autoren: Patrick Rambaud
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Hollande, en
Suisse, au Luxembourg, en Autriche, en Belgique, à Monaco, dans quelques États
de l’Amérique comme le Nevada. Ils consentirent cependant à établir une liste
noire pour en désigner certains et prouver leur bonne foi, mais les punis
regimbèrent. Quoi ? L’Uruguay, le Costa Rica, la Malaisie ? La liste
noire allait changer de couleur sous l’effet d’une protestation sourde, et de
noire devint grise avant de blanchir sur parole ainsi que l’argent corrompu qu’on
y lessivait.
    Notre Intense Timonier se laissait ensorceler par
M. Obama, lequel l’emmena à l’écart avec l’empereur de Chine pour les
réconcilier, ce qui permit d’oublier à quoi allaient servir ces listes dans la
pratique. Le Washington Post , le New York Times , des feuilles
germaines, espagnoles, brésiliennes doutaient de la purge impériale chargée d’anéantir
les manières inconvenantes d’une finance sans bride, à laquelle l’ensemble des
pays recourait. Même sans jamais évoquer les graves spéculations sur le riz, le
blé, le soja qui provoquaient des famines, Sa Majesté crut avoir gagné sa joute
et, en pointant le menton, proclama : « C’est grâce à moi, ce sommet
qu’on a réussi ! J’ai même fait la une du Times  ! » Notre
Leader Universel pensait avoir volé la vedette à M. Obama alors qu’il
allait le lendemain se glisser dans une organisation militaire, l’OTAN, née
autrefois de la rivalité entre l’Est et l’Ouest et dorénavant entre l’Orient et
l’Occident. Le Prince avait décidé seul d’en rejoindre l’état-major, il croyait
que c’était le bon moyen de constituer une défense européenne, alors qu’il
allait la dissoudre dans une défense américaine où il ne choisirait rien, où il
ne pourrait plus élever la voix en cas de désaccord, et, sous tutelle
volontaire, perdrait son peu d’influence et son libre choix. Notre Suffocant
Souverain, chez qui primaient les rapports de force, se donnait à lui-même une
paire de claques. Il pensait flamboyer le lendemain à Strasbourg, qui fêtait le
soixantième anniversaire de l’OTAN, quand il faisait allégeance à cet empereur
de Washington qu’il espérait égaler.
    S’il y avait un climat électrique à Londres, si des furieux
par milliers affrontaient la police devant les murs sans fenêtres de la Banque
d’Angleterre, si un marchand de journaux, qui rentrait chez lui, fut chargé par
des bobbies, poussé, matraqué à la cuisse, mis à terre et mourut d’une
hémorragie abdominale, la situation menaçait d’être aussi rude dans Strasbourg
quadrillée depuis plusieurs jours.
    Les Alsaciens étaient tellement enjoués des festivités
promises pour fêter l’OTAN et le rôle nouveau que nous allions y jouer, lequel
nous éloignait du monde arabe, qu’ils s’enfuirent à la campagne. Les habitants
qui restaient dans la vieille ville devaient porter un badge et figurer dans un
fichier spécial non déclaré. Ceux qui faisaient mine de protester en plantant
un drapeau arc-en-ciel à leur fenêtre, recevaient la visite de policiers qui
enlevaient ce fanion pacifiste. Les bouches d’égout avaient été scellées, des
hélicoptères tournoyaient au ras des toits, des bateaux rôdaient sur le Rhin.
Il y eut des heurts, c’était inévitable, mais contenus à la périphérie, quand
des violents qui portaient des lunettes de piscine ou des masques à gaz se
mêlèrent aux pacifiques pour attaquer les barrages d’une police serrée derrière
ses boucliers comme une légion romaine. Dans le quartier du Port-du-Rhin,
délaissé par un service d’ordre concentré autour de la cathédrale, il y eut un
hôtel incendié, puis un centre commercial, une pharmacie, une station-service,
à la grande frayeur des indigènes qui attendirent longtemps des pompiers pour
asperger les ruines.
    Ce fut néanmoins un beau sommet.
    M. et Mme Obama arrivèrent au Hilton avec leur suite de
neuf cents personnes ; ils furent reçus par Leurs Majestés dans la cour du
Palais des Rohan où ils se congratulèrent avant, pour l’image, un délicieux
bain de foule ; six cents militants impériaux du Bas-Rhin avaient été
amenés en autobus avec des petits drapeaux américains. À partir de ce moment,
les gazetiers oublièrent les deux empereurs et leur discussion autour de la
guerre d’Afghanistan, pour ne plus s’attarder que sur leurs épouses. « Le
charme au sommet », lisait-on, ou « Dans les coulisses, la complicité
des
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