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Trois Ans Dans Une Chambre à Gaz D'Auschwitz

Trois Ans Dans Une Chambre à Gaz D'Auschwitz

Titel: Trois Ans Dans Une Chambre à Gaz D'Auschwitz
Autoren: Filip Muller
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nous, dans le crématoire, l’ambiance était relativement paisible. Mais ce calme était trompeur. Il ne dura que quelques jours. Se répandant comme une traînée de poudre, la nouvelle selon laquelle, dans le camp des femmes, quatre jeunes filles avaient été pendues sous les yeux mêmes des détenus vint nous rappeler à la cruelle et constante précarité de notre sort. Nous apprîmes par la suite qu’il s’agissait de quatre juives qui avaient détourné dans l’usine de munitions Union des explosifs utilisés au cours de l’émeute du mois d’octobre.
    En même temps, les cinq détenus polonais du commando spécial, parmi lesquels le kapo Mietek Morawa, furent transférés dans un autre camp. Je sus plus tard qu’ils avaient été tous abattus quelques jours avant la fin de la guerre dans le camp de concentration de Mauthausen.
    La couche de neige s’épaississait et le froid devenait de jour en jour plus vif. Le grondement assourdi et encore lointain des canons et de l’artillerie se rapprochait et son intensité augmentait sans cesse. Estimant que le front pouvait se situer à une distance de 50 à 80 kilomètres, nous pouvions constater la nervosité croissante des S.S. Un grand nombre d’entre eux d’ailleurs se donnaient maintenant des apparences de bonhomie, avec des airs affables, comme s’ils espéraient pouvoir faire oublier leurs mains souillées de sang.
    C’était non seulement l’autorité des S.S. qui déclinait, mais aussi celle des doyens de bloc, des kapos et celle de leurs complices. La discipline se relâchait, les ordres, lorsqu’ils étaient exécutés, étaient suivis avec mollesse ou de mauvaise grâce, ce qui eût été inconcevable quelques jours avant. L’organisation du travail dans le camp commençait à fléchir ; c’était sensible même dans le crématoire. Les corps des détenus morts dans le camp n’étaient plus transportés régulièrement chaque jour, à une heure bien déterminée. Il est probable aussi que le parc du matériel roulant ne disposait plus du nombre de véhicules nécessaire. Le fait, enfin, que les commandos de travail ne partaient plus du camp que d’une manière irrégulière montrait bien que la direction du camp s’attendait à la prochaine arrivée de l’armée Rouge.
    Puis ce fut cette mémorable journée du 18 janvier 1945. Une confusion extraordinaire régnait dans tout le camp. On pouvait remarquer depuis le matin des flammes et de hautes colonnes de fumée noire dans de nombreux secteurs. Il était évident que les S.S. commençaient à brûler leurs dossiers. Les détenus qui, auparavant, couraient à cette heure de tous côtés, paraissaient frappés de paralysie. Aucun commando ne se ruait plus pour le travail à l’extérieur. Le bruit des canons se rapprochait de plus en plus. Sur les routes du camp maintenant désertes et enneigées, le long desquelles se traînaient péniblement peu de temps auparavant de longues colonnes de candidats à la mort, des S.S. circulaient fiévreusement sur des bicyclettes ou des motocyclettes.
    Dans le commando spécial, nous pensions tous que notre dernière heure avait sonné et ne cessions d’épier les allées et venues des S.S. qui s’arrêtaient dans le crématoire V, ne fût-ce qu’un court instant. Ce jour-là, ils se présentèrent au nombre de trois : il y avait Gorges, Kurschuss et un autre Unterführer. Tous nous étions convaincus de l’imminence de nos derniers instants. Mais, une fois de plus, contrairement aux lois de la simple logique, le destin en décidait autrement. Au cours de l’après-midi, un chef de bloc, arrivé en courant dans le crématoire, nous cria nerveusement : « Tous dans le camp. Allons ! En vitesse ! »
    Sans nous le faire dire deux fois, nous nous précipitâmes à travers le petit bois en direction du crématoire V dans le secteur B. II  d du camp où se trouvaient déjà rassemblés depuis plusieurs semaines nos camarades du commando de la démolition. Mais, là, personne n’avait reçu d’instruction, pas même les chefs de bloc.
    Cependant, l’appel du soir eut lieu comme d’habitude. Ce devait être le dernier à Auschwitz. Nous étions rassemblés en une masse compacte de milliers de détenus et pour la première fois j’avais l’impression d’être un détenu semblable aux autres. Tous se trouvaient mélangés dans le désordre, de sorte que le dénombrement se faisait globalement sur l’ensemble de l’effectif. Lorsque
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