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Trois Ans Dans Une Chambre à Gaz D'Auschwitz

Trois Ans Dans Une Chambre à Gaz D'Auschwitz

Titel: Trois Ans Dans Une Chambre à Gaz D'Auschwitz
Autoren: Filip Muller
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plâtre. Après durcissement du plâtre, on pouvait croire qu’il s’agissait de véritables dents en or.
    Après avoir fabriqué quelques fausses dents, je les emportai pour les remettre à un homme qui m’attendait à côté du réseau des barbelés. Toutes les sentinelles S.S. savaient parfaitement qu’un détenu du commando spécial faisait du trafic de dents en or. Je m’approchai donc de la clôture avec précaution en hésitant un peu et ne fut pas surpris d’être abordé par une sentinelle qui faisait les cent pas.
    Je lui fis comprendre que je possédais ce qu’il recherchait et lui demandai ce qu’elle avait à me donner en échange. « Du pain, des saucisses, des cigarettes », me répondit-on.
    La seule idée d’une miche de pain et d’un morceau de saucisse me faisait saliver, mais celle de quelques paquets de cigarettes Josma eut raison de mes derniers scrupules. Il s’agissait maintenant d’agir avec sang-froid, mon partenaire ne devant absolument pas suspecter la supercherie. N’étant séparé de mon coéchangiste que par le réseau de barbelés, je l’appâtai avec une poignée de fausses dents en or pour vérifier si sa convoitise n’était pas feinte. Apparemment convaincu du sérieux de la tractation, le S.S. se rendit sans hésiter dans un proche mirador au haut duquel il monta, avant de redescendre quelques secondes plus tard avec une musette bourrée de pain. Puis il me dit de lancer les dents à travers la clôture des barbelés.
    Je lui fis entendre qu’il devait d’abord de son côté me remettre à travers la clôture l’objet du troc, car je ne pouvais m’en aller sans avoir reçu la contrepartie ; j’étais, en effet, en tant que détenu, en son pouvoir alors qu’il ne dépendait pas de moi. Il le comprit et me tendit à travers les barbelés un chapelet de saucisses, une boule de pain de munition et quelques paquets de cigarettes. Je lui remis alors mes dents et revins en courant au crématoire, quelque peu anxieux qu’il ne découvrît immédiatement le pot aux roses. Je refermai la porte derrière moi avec soulagement. Personne ici ne viendrait plus contester le marché.
    Les autres détenus eurent cependant vite fait de remarquer que Fischer et moi-même étions les seuls à fumer encore des cigarettes. Ils nous observaient avec défiance et ne tardèrent pas à découvrir nos sources.
    Lorsque le secret de la fabrication de nos dents fut éventé, il y eut une véritable ruée sur le cuivre jaune, une « fièvre de l’or » qui n’épargna personne. Il était donc désormais inconcevable que l’essor de ce trafic ne se terminât pas par un fiasco. Les S.S. étaient pourtant encore à cent lieues de se douter de notre ruse. Il est possible aussi que les acquéreurs de cet or, censé provenir d’un vol, n’osaient pas pour cette raison le montrer à des tiers pour expertise. Nous devions ainsi à l’idée géniale de Fischer un adoucissement notable de nos pénibles conditions d’existence au commando spécial.
    Cependant, le nombre des morts que l’on conduisait à l’incinération dans les crématoires continuait toujours à diminuer. Dans les trois chambres à gaz qui étaient encore en service il y avait peu de temps régnait désormais le grand calme des cimetières. L’une d’elles cependant retrouva une certaine animation, cette fois à des fins tout à fait pacifiques. L’un des chefs de commando dont la famille vivait à Auschwitz eut en effet l’idée d’y créer un élevage de lapins. Il y fit donc monter des cloisons en bois entre lesquelles il installa des clapiers où les lapins étaient soignés et nourris par les détenus.
    Tous ces faits confirmaient les rumeurs selon lesquelles le Reichsführer avait ordonné l’arrêt des opérations d’anéantissement des juifs. Mais, au commando spécial, nous étions tous de plus en plus angoissés, car l’expérience des dernières « sélections » avait démontré sans équivoque possible que l’on sacrifiait sans hésiter la main-d’œuvre des esclaves lorsqu’elle devenait inutile. Or le travail du crématoire V, assuré avec les 30 détenus en service actuellement, ne nécessitait plus que la moitié de cet effectif.
    Puis ce fut l’hiver de 1945. La première chute de neige recouvrit la campagne d’un manteau blanc. Pendant les fêtes de Noël, le plus grand calme régna dans le camp. Les commandos ne se précipitaient plus pour aller au travail, et en particulier chez
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