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Trois Ans Dans Une Chambre à Gaz D'Auschwitz

Trois Ans Dans Une Chambre à Gaz D'Auschwitz

Titel: Trois Ans Dans Une Chambre à Gaz D'Auschwitz
Autoren: Filip Muller
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criait pour nous convaincre que nous n’avions plus droit à rien, pas même à des déchets ; montrant le toit de la main, il hurla que tout ce que nous méritions c’était de finir en fumée et de passer à travers la cheminée. Puis il ordonna au service des chambrées de jeter le thé dans le caniveau. La gorge sèche, avec des regards de convoitise pour la précieuse boisson, nous devions endurer passivement cette nouvelle brimade. Je ne comprenais pas ce qui motivait le comportement de Vacek à notre égard. Il était pourtant prisonnier des nazis comme nous. Je me demandais parfois si ce n’était pas un agent provocateur. Mais dans ce cas il s’y serait pris autrement et il aurait tenté de gagner notre confiance. Je sus plus tard que Vacek avait été l’un des premiers prisonniers d’Auschwitz à avoir le titre de détenu de fonction. Il faisait partie d’une groupe de trente criminels de droit commun qui avaient été spécialement préparés à leur tâche dans le camp de concentration de Sachsenhausen. En tant que détenus privilégiés du Reich allemand, ils étaient redoutés par les autres détenus. Le chef rapporteur Palitzch les avait amenés avec lui en mai 1940 dans le nouveau camp de concentration d’Auschwitz, où on leur demanda de mettre en pratique les méthodes brutales qu’on leur avait enseignées et qui étaient en vigueur depuis 1933 dans les camps de concentration allemands. Ce groupe de criminels de droit commun et leurs assistants, dont Vacek faisait partie, occupaient une place de choix dans le système d’encadrement des détenus et ils bénéficiaient de la protection des S.S. En tant que fonctionnaires du camp, ils étaient exemptés de travail manuel et ils disposaient en fait d’un droit de vie et de mort sur les détenus.
    Ils étaient mieux nourris, ils portaient de hautes bottes de cuir et des tenues taillées sur mesure ; ils jouissaient de bien d’autres avantages et privilèges. Vacek ne resta pas longtemps dans l’administration du camp. Il mourut à l’automne de 1942, à l’hôpital d’Auschwitz, du typhus exanthémateux. Les infirmiers, qui savaient que Vacek n’était qu’un meurtrier sadique, auraient, dit-on, déféqué dans sa bouche après sa mort !
    Après que le thé eut été versé dans l’égout, on ordonna une séance d’épouillage. Nous nous tenions dans la cour par petits groupes, pour faire la chasse aux poux dans nos chemises, que nous avions enlevées. Cette vermine grouillait dans notre linge de corps. J’entrepris comme les autres d’écraser entre le pouce et l’index ces odieux insectes. J’entendais souvent dire dans le bloc : « Un seul pou sur toi, et tu es un homme mort. » Cette remarque n’était pas exagérée, car ce parasite répandait le typhus exanthémateux. À Auschwitz c’était une maladie toujours mortelle. Le détenu sur lequel on découvrait de la vermine était jugé coupable d’avoir refusé d’exécuter un ordre de l’administration et d’avoir commis un acte de rébellion. En conséquence il était toujours châtié.
    Nous avions rarement de l’eau à nos robinets ; que nous soyons sans serviette et sans savon n’intéressait personne. Les tracasseries continuaient après les séances d’épouillage et l’on nous obligeait à enduire l’empeigne dure et raide de nos galoches avec de l’huile sale. Venait ensuite la sanglante séance de « rasage », qui avait lieu une fois par semaine. On nous rasait sans savon, simplement à l’eau ; les rasoirs des barbiers étaient si émoussés qu’ils nous arrachaient poils et peau.
    Ce pauvre Paskus se trouvait maintenant délivré de toutes ces misères, c’est la réflexion que je me fis lorsque les corvées mortuaires enlevèrent son corps dans la charrette des cadavres.
    Midi. Les services des chambrées apportaient des cuves fumantes fixées sur des perches en bois. Le fumet de la maigre soupe qui constituait notre ordinaire se répandait dans la cour et nous humions cette odeur avec délice, la trouvant, pour lors, délectable. Pendant un instant nous reprenions goût à la vie et nous ne pensions plus aux brimades, aux misères de notre existence quotidienne et aux coups mortels qui nous menaçaient. Tous nos sens s’aiguisaient sur notre maigre pâture composée de raves fourragères et de pommes de terre pourries mises en bouillie dont nous connaissions bien le goût invariable mais qui nous permettait de survivre. La soupe
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