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Traité du Gouvernement civil

Traité du Gouvernement civil

Titel: Traité du Gouvernement civil
Autoren: John LOCKE
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qu'il prenait d'accompagner ses avis de raisons solides qui ne lui manquaient jamais au besoin.
    Du reste, M. Locke était fort libéral de ses avis lorsqu'on les lui demandait, et on ne le consultait jamais en vain. Une extrême vivacité d'esprit, l'une de ses qualités dominantes, en quoi il n'a peut-être eu jamais d'égal, sa grande expérience et le désir sincère qu'il avait d'être utile à tout le monde, lui fournissaient bientôt les expédients les plus justes et les moins dangereux. je dis les moins dangereux; car ce qu'il se proposait avant toutes choses, était de ne faire aucun mal à ceux qui le consultaient. C'était une de ses maximes favorites, qu'il ne perdait jamais de vue dans l'occasion.
    Quoique M. Locke aimât surtout les vérités utiles, qu'il en nourrît son esprit, et qu'il fût bien aise d'en faire le sujet de ses conversations, il avait accoutumé de dire, que pour employer utilement une partie de cette vie à des occupations sérieuses, il fallait en passer une autre à de simples divertissements; et lorsque l'occasion s'en présentait naturellement, il s'abandonnait avec plaisir aux douceurs d'une conversa­tion libre et enjouée. Il savait plusieurs contes agréables dont il se souvenait à propos, et ordinairement il les rendait encore plus agréables par la manière fine et aisée dont il les racontait. Il aimait assez la raillerie, mais une raillerie délicate, et tout à fait innocente.
    Personne n'a jamais mieux entendu l'art de s'accommoder à la portée de toute sorte d'esprits; ce qui est, à mon avis, l'une des plus sûres marques d'un grand génie.
    Une de ses adresses dans la conversation était de faire parler les gens sur ce qu'ils entendaient le mieux. Avec un jardinier il s'entretenait de jardinage, avec un joaillier de pierreries, avec un chimiste de chimie, etc. « Par-là, disait-il lui-même, je plais à tous ces gens-là, qui pour l'ordinaire ne peuvent parler pertinemment d'autre chose. Comme ils voient que je fais cas de leurs occupations, ils sont charmés de me faire voir leur habileté ; et moi, je profite de leur entretien. » Effectivement, M. Locke avait acquis par ce moyen une assez grande connaissance de tous les Arts, et s'y perfectionnait tous les jours. Il disait aussi que la connaissance des Arts contenait plus de véritable philosophie que toutes ces belles et savantes hypothèses, qui n'ayant aucun rapport avec la nature des choses ne servent au fond qu'à faire perdre du temps à les inventer ou à les comprendre. Mille fois j'ai admiré comment par différentes interrogations qu'il faisait à des gens de métier, il trouvait le secret de leur Art qu'ils n'entendaient pas eux-mêmes, et leur fournissait fort souvent des vues toutes nouvelles qu'ils étaient quelquefois bien aises de mettre à profit.
    Cette facilité que M. Locke avait à s'entretenir avec toute sorte de personnes, le plaisir qu'il prenait à le faire, surprenait d'abord ceux qui lui parlaient pour la pre­mière fois. Ils étaient charmés de cette condescendance, assez rare dans les Gens de Lettres, qu'ils attendaient si peu d'un homme que ses grandes qualités élevaient si fort au-dessus de la plupart des autres hommes. Bien des gens qui ne le connaissaient que par ses Écrits, ou par la réputation qu'il avait d'être un des premiers Philosophes du Siècle, s'étant figurés par avance que c'était un de ces esprits tout occupés d'eux-mêmes et de leurs rares spéculations, incapables de se familiariser avec le commun des hommes, d'entrer dans leurs petits intérêts, de s'entretenir des affaires ordinaires de la vie, étaient tout étonnés de trouver un homme affable, plein de douceur, d'humanité, d'enjouement, toujours prêt à les écouter, à parler avec eux des choses qui leur étaient le plus connues, bien plus empressé à s'instruire de ce qu'ils savaient mieux que lui, qu'à leur étaler sa science. J'ai connu un bel esprit en Angleterre qui fut quelque temps dans la même prévention. Avant que d'avoir vu M. Locke, il se l'était représenté sous l'idée d'un de ces anciens philosophes à longue barbe, ne parlant que par sentences, négligé dans sa personne, sans autre politesse que celle que peut donner la bonté du naturel, espèce de politesse quelquefois bien grossière, et bien incommode dans la société civile. Mais dans une heure de conversation, revenu entiè­re­ment de son erreur à tous ces égards, il ne put s'empêcher de faire connaître qu'il
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