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Traité du Gouvernement civil

Traité du Gouvernement civil

Titel: Traité du Gouvernement civil
Autoren: John LOCKE
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regardait M. Locke comme un homme des plus polis qu'il eût jamais vu. Ce n'est pas un philosophe toujours grave, toujours renfermé dans son caractère, comme je me l'étais figuré : c'est, me dit-il, un parfait Homme de Cour, autant aimable par ses maniè­res civiles et obligeantes, qu'admirable par la profondeur et la délicatesse de son génie.
     
    M. Locke était si éloigné de prendre ces airs de gravité par où certaines gens, savants et non savants, aiment à se distinguer du reste des hommes, qu'il les regardait au contraire comme une marque infaillible d'impertinence. Quelquefois même il se divertissait à imiter cette gravité concertée, pour la tourner plus agréablement en ridicule; et dans ces rencontres il se souvenait toujours de cette Maxime du Duc de La Rochefoucauld, qu'il admirait sur toutes les autres : La Gravité est un mystère du Corps inventé pour cacher les défauts de l'Esprit. Il aimait aussi à confirmer son sentiment sur cela par celui du fameux Comte de * Shaftesbury, à qui il prenait plaisir de faire honneur de toutes les choses qu'il croyait avoir apprises dans sa conversation.
    Rien ne le flattait plus agréablement que l'estime que ce Seigneur conçut pour lui presque aussitôt qu'il l'eut vu, et qu'il conserva depuis tout le reste de sa vie. En effet rien ne met dans un plus beau jour le mérite de M. Locke que cette estime constante qu'eut pour lui Mylord Shaftesbury, le plus grand génie de son siècle, supérieur à tant de bons esprits qui brillaient de son temps à la Cour de Charles 11, non seulement par sa fermeté, par son intrépidité à soutenir les véritables intérêts de sa Patrie, mais encore par son extrême habileté dans le maniement des affaires les plus épineuses. Dans le temps que M. Locke étudiait à Oxford, il se trouva par hasard dans sa compa­gnie; et une seule conversation avec ce grand homme lui gagna son estime et sa confiance à tel point, que bientôt après, Mylord Shaftesbury le retint auprès de lui pour y rester aussi longtemps que la santé ou les affaires de M. Locke le lui pourraient permettre. Ce comte excellait surtout à connaître les hommes. Il n'était pas possible de surprendre son estime par des qualités médiocres, c'est de quoi ses ennemis mêmes n'ont jamais disconvenu. Que ne puis-je d'un autre côté vous faire connaître la haute idée que M. Locke avait du mérite de ce Seigneur? Il ne perdait aucune occasion d'en parler, et cela d'un ton qui faisait bien sentir qu'il était fortement persuadé de ce qu'il en disait. Quoique Mylord Shaftesbury n'eût pas donné beaucoup de temps à la lecture, rien n'était plus juste, au rapport de M. Locke, que le jugement qu'il faisait des Livres qui lui tombaient entre les mains. Il démêlait en peu de temps le dessein d'un Ouvrage; et sans s'attacher beaucoup aux paroles qu'il parcourait avec une extrême rapidité, il découvrait bientôt si l'Auteur était maître de son sujet, et si ses raisonnements étaient exacts. Mais M. Locke admirait surtout en lui cette pénétration, cette présence d'esprit qui lui fournissait toujours les expédients les plus utiles dans les cas les plus désespérés, cette noble hardiesse qui éclatait dans tous ses discours publics, toujours guidée par un jugement solide, qui ne lui permettait de dire que ce qu'il devait dire, réglait toutes ses paroles, et ne laissait aucune prise à la vigilance de ses ennemis.
    Durant le temps que M. Locke vécut avec cet illustre Seigneur, il eut l'avantage de connaître tout ce qu'il y avait en Angleterre de plus fin, de plus spirituel et de plus poli. C'est alors qu'il se fit entièrement à ces manières douces et civiles qui, soutenues d'un langage aisé et poli, d'une grande connaissance du Monde, et d'une vaste étendue d'esprit, ont rendu sa conversation si agréable à toute sorte de personnes. C'est alors sans doute qu'il se forma aux grandes affaires, dont il a paru si capable dans la suite.
    Je ne sais si sous le Roi Guillaume, le mauvais état de sa santé lui fit refuser d'aller en Ambassade dans une des plus considérables cours de l'Europe. Il est certain du moins que ce grand prince le jugea digne de ce poste, et personne ne doute qu'il ne l'eût rempli glorieusement.
    Le même Prince lui donna après cela une place parmi les seigneurs commissaires qu'il établit pour avancer l'intérêt du négoce et des plantations. M. Locke exerça cet emploi durant plusieurs années ; et l'on dit
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