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Staline

Staline

Titel: Staline
Autoren: Marie,Jean-Jacques
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« individus à double
face », accusés de passer leur temps à dissimuler leur vrai visage. Cette
imputation à l’autre, opposant réel ou imaginaire, de ses propres manœuvres,
souligne que la nature de son pouvoir différait radicalement de l’image qu’il
en donnait. Cela est aussi vrai de sa vie.
    Et c’est cette vie-là que j’ai choisi de raconter.

CHAPITRE PREMIER
Le fils du savetier
    Qui se souvient encore des vers ailés qui, exhalant une
odeur mêlée d’encens et de sang, chantaient, il y a trois quarts de siècle, le
génie surhumain de Joseph Staline ? Un poète, éperdu dans sa course folle
aux épithètes, accablé par son impuissance à trouver les images dignes de son
modèle, s’écriait :
    Les conteurs ne savent plus à qui te comparer,
    Les poètes n’ont plus assez de perles pour te décrire [8] .
    À qui, en effet, comparer l’incomparable ? Certains
esquivaient cette difficulté insurmontable en hissant le Secrétaire général au
statut de Créateur de l’Univers.
    Ô toi Staline, grand chef des peuples,
    Toi qui fis naître l’homme,
    Toi qui fécondes la terre,
    Toi qui rajeunis les siècles,
    Toi qui tresses le printemps… [9]
    Un autre versificateur mettait aux genoux de ce dieu
pantocrator l’univers entier :
    Les étoiles de l’aube obéissent à ta volonté.
    Ton incomparable génie monte jusqu’aux cieux,
    Ta pénétration sonde les profondeurs de l’Océan [10] .
    Difficile de faire mieux, mais à l’émulation socialiste rien
n’est impossible et, sous le fouet de la flatterie, un quatrième rimailleur,
dans un ultime effort, élevait ce nouveau maître du cosmos au-delà même des
sphères galactiques :
    Staline, tu es plus haut
    Que les hauts espaces célestes,
    Et seules tes pensées
    Sont plus hautes que toi…
    Ton esprit, Staline est plus lumineux que le soleil [11] .
    Un certain Prokofiev, homonyme du compositeur, s’exclamait :
    « Staline… et je n’ajoute rien… Tout est inclus dans ce
nom tellement immense. Tout : le parti, la patrie, l’amour, l’immortalité.
Tout [12] . »
    Au VII e  congrès des soviets, en 1936, l’écrivain
prolétaire Avdeenko s’extasiait dans une litanie lyrique :
    « Je cultive en moi l’amour, le dévouement, l’honnêteté,
l’abnégation, l’héroïsme, le désintéressement : tout cela grâce à toi,
grand éducateur Staline […] J’aime la femme d’un amour nouveau […] Je vivrai
cent ans […] tout cela grâce à toi, grand éducateur Staline […]. Je peux m’envoler
vers la lune, voyager sur l’Arctique, faire une grande découverte, inventer une
nouvelle machine […] tout cela grâce à toi, grand éducateur Staline [13] . »
    Ce délire n’aurait qu’un intérêt anecdotique s’il n’avait
été repris et orchestré à travers le monde par les dirigeants de tous les
partis communistes et par des intellectuels qui se réclamaient du matérialisme
et du rationalisme, s’il ne reflétait les mutations radicales d’une révolution
égalitariste et n’exprimait la démesure d’un culte qui a lourdement pesé sur la
biographie même de Staline. Ainsi, en France, l’hebdomadaire Commune reproduit le discours d’Avdeenko et salue dans cette prose parareligieuse la
marque d’un humanisme nouveau ; treize ans plus tard, en mars 1949,
la revue Europe publie un article de Francis Cohen intitulé « L’âge
d’or, l’objectif numéro un de l’URSS ». L’auteur écoute, à l’université de
Moscou, un disciple du biologiste stalinien aux pieds nus Trofime Lyssenko
déclarer : « Nous faisons ce que nous voulons », et se
demande : « Est-ce le bon Dieu de Jean Effel qui fignole sa dernière
création ? » Les biologistes soviétiques ont façonné des pis de
vaches d’un périmètre de deux mètres ; ne voulant plus les élargir, ils se
demandent s’ils doivent allonger les jambes des vaches ou étendre vers l’avant
ces pis qui feront couler des fleuves de lait sur la patrie du socialisme. L’auteur
de ces fadaises souhaite que « tous les incrédules » le rejoignent
dans ce laboratoire avant de conclure, béat : « C’est l’abondance
pour tous, illimitée, créatrice de bien-être, de liberté, de bonheur. L’âge d’or,
rêve vague, qui depuis toujours berce les peuples comme le souvenir d’un
paradis perdu, est en réalité devant nous, à portée de la main… L’âge d’or […]
est pour demain [14] . »
Staline, nouveau Saturne, l’annonce
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