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Staline

Staline

Titel: Staline
Autoren: Marie,Jean-Jacques
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ambiguë. Elle a
contribué en tout cas à le distinguer de l’archétype du Géorgien, personnage
impulsif, généreux, sentimental, facilement attendri, enthousiaste ou exalté,
lyrique, dévoué à sa famille et à ses amis. Ce portrait est certes
idéalisé : la vendetta est une vieille tradition en Géorgie, où l’honneur
chatouilleux règle dans le sang les vieilles rivalités familiales. L’abrek ou hors-la-loi a la gâchette facile et le voyou de Tiflis joue aisément du
couteau. Quoi qu’il en soit, Staline adulte n’a aucun des traits du Géorgien
typique ; sa fille Svetlana le souligne : « Mon père était tout
l’inverse […] il n’était ni fougueux, ni ouvert, ni émotif, ni sentimental [28]  » ; il
est en effet taciturne, froid, sec, vindicatif, méfiant, rancunier, grossier,
intolérant, et impitoyable, même avec ses amis et sa famille.
    Certains ont tenté d’expliquer cette discordance en faisant
naître Vissarion chez les Ossètes, peuplade du nord de la Géorgie réputée pour
sa rudesse, sa brutalité, sa sauvagerie et son ivrognerie. Un officier d’ Un
héros de notre temps, de Lermontov, les juge pires encore que les Tatars,
ces sauvages avides et analphabètes. En 1933, un poème satirique d’Ossip
Mandelstam représente Staline sous les traits d’un Ossète moustachu assoiffé de
sang au large poitrail et aux doigts épais. Ossète ou pas, Vissarion a transmis
à Joseph quelques malformations physiques et son goût de la violence et de la
cruauté. Il lui aurait aussi injecté, selon le publiciste russe Radzinski, le
poison de l’antisémitisme. Les Juifs en Géorgie étaient aubergistes, tailleurs,
usuriers, boutiquiers et cordonniers. Besso le raté n’aurait pu supporter les
succès de ses concurrents émérites. Mais la Géorgie ignorait l’antisémitisme et
le mot « youpin » (« Jid ») n’existe pas en géorgien.
    Vissarion est l’homme de trop ; dans ses témoignages,
sa femme le passe en général sous silence ; Staline n’en parle pas plus ;
ses camarades d’enfance et ses descendants, tout le monde efface ce gêneur.
Certains même récusent sa paternité. Nées dans les années 1930, des
rumeurs insistantes font de Staline le descendant, au choix, d’un prince, d’un
comte, d’un général, voire d’un ecclésiastique. Le général explorateur
Prjevalsky, à qui Staline ressemble vaguement, tient la corde. Mais Kéké était
déjà enceinte lorsqu’il passa à Gori. Le comte Egnatachvili est le favori du
romancier géorgien Tchaboua Amouredjibi, auteur du roman Gora Mborgali, et de la petite-fille de Staline, Nadejda, selon qui Joseph « savait »
qui était son vrai père, mais accrédita la légende de Vissarion pour sauver l’honneur
de sa mère. Comment sait-elle que Staline « savait » puisqu’il ne l’a
pas dit à sa fille, sa seule confidente ? La rumeur façonne ainsi une
Catherine Gueladzé aux antipodes de la femme austère et pieuse telle que l’ont
connue les camarades de Sosso. Une fois libérée, l’imagination galope. Les
Américains Fishman et Hutton, par une étymologie à la Pierre Dac,
affirment : les Juifs géorgiens, venant de l’île de Djou, furent dénommés « Djouga »,
et, lorsque l’usage des noms de famille s’établit en Géorgie, on les appela
fils de Djou, soit Djougachvili ! Donc Staline était juif !
    Kéké reporte sur le petit Joseph toute son affection. Les
rares photographies qu’on a conservées d’elle en grand-mère, tout de noir
vêtue, le visage sévère encadré d’un voile sombre qui dissimule ses cheveux,
ses oreilles, son menton, laissent malaisément deviner la jeune femme de cette
époque. Son existence n’était pas rose. Battue par son mari, elle bat à son
tour Sosso. Svetlana en témoigne. « Mon père nous racontait parfois
comment sa mère le rossait, quand il était enfant [29] . » Lors de
sa dernière visite à sa mère en 1935, il lui aurait demandé : « Pourquoi
est-ce que tu me battais si fort ? — C’est comme ça que tu es devenu
aussi bon », lui aurait-elle répondu. En tout cas, Sosso gardera la trace
indélébile de cette enfance marquée par les coups. Plus tard, lors des
interrogatoires de ses victimes, il conseillera aux enquêteurs du NKVD : « Frappez !
Frappez ! »
    Sa mère tente en même temps de le protéger et consacre
toutes ses forces à son éducation. En 1930, elle le dépeindra au journaliste
américain Knickerbocker
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