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Staline

Staline

Titel: Staline
Autoren: Marie,Jean-Jacques
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les paysans des alentours,
marchant pieds nus ou chaussés de sandales, ne fréquentent guère leurs
échoppes. La concurrence est rude, le travail pénible, et Vissarion conforme à
ce qu’évoque le bolchevik Drobnis, lui aussi fils de savetier : « Le
milieu des cordonniers se distinguait par l’ignorance, l’ivrognerie et la
débauche [24] . »
Les dictons russes égrènent les comparaisons : « soûl comme un savetier »,
« soûl comme une semelle de savetier » (c’est-à-dire « ivre mort »),
« le tailleur est un voleur, le savetier un soûlard ». La sagesse
populaire souligne aussi sa misère : « À tailleur sans drap, savetier
sans botte. » C’est tout le portrait de Vissarion.
    Staline racontera plus tard à ses compagnons de banquets
nocturnes : « Quand j’étais encore tout petit dans mon berceau, il s’approchait
de moi, trempait son doigt dans un verre de vin et me le donnait à sucer. Il m’a
habitué comme ça dès le berceau [25] . »
Joseph ne pouvait échapper à cette première étape rituelle de la formation d’un
petit d’homme chez les paysans, les vignerons ou les savetiers.
    À jeun ou ivre, Vissarion bat régulièrement Sosso. Son
camarade Joseph Iremachvili, qui vient souvent chez lui, a assisté aux sévères
corrections que lui infligeait l’ivrogne ; il y voit la source de sa
dureté, de son implacabilité et de son irréligion ultérieures ; Svetlana
répète ce que Staline lui-même lui a raconté quand elle évoque, elle aussi, « les
corrections que lui infligeait son père qui aimait bien boire [26]  ». La mère
de Staline racontera plus tard à son médecin Kipachidzé, dans les années 1920,
qu’un jour, ivre, il souleva son fils et le jeta brutalement sur le plancher.
Sosso perdit du sang pendant plusieurs jours.
    Staline niera pourtant cette violence paternelle en
répondant en 1931 à l’écrivain allemand Emil Ludwig : « Mes parents
étaient des gens simples, mais ils ne me traitaient pas mal du tout [27] . » Sans
doute jugeait-il inconvenante son image d’enfant battu au moment même où se
formait le culte du Secrétaire général omnipotent. Mais, comme tous ses
semblables, Vissarion, qui battait aussi sa femme, considérait taloches et
coups de poing comme la base de l’éducation. Sosso dut vite apprendre à les
esquiver et à éviter de croiser son père en état d’ébriété, surtout le soir,
moment où ce dernier, avant de se coucher, distribuait quelques claques.
    On ne sait pas grand-chose de ce personnage à demi
fantomatique mais gênant, que les souvenirs autorisés escamotent. L’unique
photographie qu’on en ait montre un étroit visage buté au front bas, orné d’une
moustache et entouré d’un collier de barbe noire. Son arrière-petite-fille
Nadejda prétend, mais sans preuve, que cette photo est truquée, que Vissarion n’a
jamais été photographié de sa vie et qu’il s’agit d’une photo de Staline
affublé d’une barbe postiche pour obtenir une ressemblance parfaite. Qui serait
ce « on » assez audacieux pour trafiquer une photo de Staline ?
En 1939, les responsables de son musée de Gori la lui ont envoyée pour en
vérifier l’authenticité ; le Secrétaire général n’a pas répondu ;
alors que le culte officiel le divinise, son silence vaut consentement.
    Cette ignorance n’empêche pas les biographes de Staline de
disserter sur l’héritage paternel. Isaac Deutscher lui attribue l’« esprit
réfléchi » du fils, Boris Souvarine certaines anomalies physiques, dont
les deuxième et troisième orteils du pied droit collés, et Robert Tucker son
esprit vindicatif à venir. Joseph Iremachvili, qui a connu les deux hommes,
voit dans la brutalité paternelle l’origine de l’aversion du jeune Staline pour
tous les représentants de l’autorité, incarnations de l’image du père, et y
voit la source de ses désirs de vengeance qui l’auraient dominé dès l’enfance.
    Ce rejet de l’image du père est pourtant douteux. Joseph
formera son premier pseudonyme, Bessochvili, sur Besso, le diminutif de
Vissarion, et l’utilisera plusieurs années durant ; c’est par ailleurs son
père qui lui sert de modèle idéalisé dans un long article de 1906 ;
reprenant ensuite le qualificatif traditionnel du tsar autocrate, il se fera
décerner le surnom de Père des Peuples. Son attitude envers le Père, dont l’image
ne suscite pas en lui de rejet sublimé en révolte, est donc
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