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Souvenirs d'un homme de lettres

Souvenirs d'un homme de lettres

Titel: Souvenirs d'un homme de lettres
Autoren: Alphonse Daudet
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raisonnable pour répondre :
    « Oh ! Tout cela est bien
Ezagéré
 !… »

Les Francs-tireurs
    Écrit pendant le siège de Paris.
    On prenait le thé l'autre soir chez le
tabellion de Nanterre. J'emploie avec plaisir ce vieux mot de
tabellion, parce qu'il est bien dans la couleur Pompadour du joli
village où fleurissent les rosières, et de l'antique salon où nous
étions assis autour d'un feu de racines flambant dans une grande
cheminée à fleurs de lis… Le maître du logis était absent, mais son
image bonasse et fine, suspendue dans un coin, présidait à la fête
et souriait paisiblement, du fond d'un cadre ovale, aux singuliers
convives qui remplissaient son salon.
    Drôle de monde, en effet, pour une soirée de
notaire ! Des capotes galonnées, des barbes de huit jours, des
képis, des cabans, de grandes bottes ; et partout, sur le
piano, sur le guéridon, pêle-mêle, avec les coussins de guipure,
les boîtes de Spa, des corbeilles en tapisserie, des sabres et des
revolvers qui traînaient. Tout cela faisait un étrange contraste
avec ce logis patriarcal où flottait encore comme une odeur de
pâtisseries de Nanterre, servies par une belle notaresse à des
rosières en robe d'organdi… Hélas ! Il n'y a plus de rosières
à Nanterre. On les a remplacées par un bataillon de francs-tireurs
de Paris, et c'est l'état-major du bataillon – campé dans la maison
du notaire – qui nous offrait le thé ce soir-là…
    Jamais le coin du feu ne m'avait paru si bon.
Au dehors, le vent soufflait sur la neige et nous apportait, avec
le bruit des heures grelottantes, le qui-vive des sentinelles et,
de loin en loin, la détonation sourde d'un chassepot… Dans le salon
on parlait peu. C'est un rude service que celui des avant-postes,
et l'on est las quand vient le soir. Puis, ce parfum de bien-être
intime, qui monte des théières en tourbillons de fumée blonde, nous
avait tous envahis et comme hypnotisés dans les grands fauteuils du
tabellion.
    Soudain des pas pressés, un bruit de portes,
et, l'œil brillant, la parole haletante, d'un employé du télégraphe
tombe au milieu de nous :
    « Aux armes ! Aux armes ! Le
poste de Rueil est attaqué ! »
    C'est un poste avancé établi par les
francs-tireurs à dix minutes de Nanterre, dans la gare de Rueil,
comme qui dirait en Poméranie… En un clin d'œil tout l'état-major
est debout, armé, ceinturonné, et dégringolé dans la rue pour
réunir les compagnies. Pas besoin de trompette pour cela. La
première
est logée chez le curé ; vite deux coups de
pied dans la porte du curé.
    « Aux armes !…
Levez-vous ! »
    Et tout de suite on court chez le greffier, où
sont ceux de la
seconde

    Oh ! Ce petit village noir avec son
clocher pointu couvert de neige, ces jardinets en quinconces qui,
en s'ouvrant, sonnaient comme des boutiques, ces maisons inconnues,
ces escaliers de bois où je courais en tâtonnant derrière le grand
sabre de l'adjudant-major, l'haleine chaude des chambrées où nous
jetions l'appel d'alarme, les fusils qui sonnaient dans l'ombre,
les hommes lourds de sommeil qui gagnaient leur poste en
trébuchant, tandis qu'au coin d'une rue cinq ou six paysans abrutis
se disaient tout bas, avec des lanternes : « On attaque…
On attaque… » Tout cela sur le moment me faisait l'effet d'un
rêve, mais l'impression que j'en ai gardée est ineffaçable et
précise…
    Voici la place de la Mairie toute noire, les
fenêtres du télégraphe allumées, une première salle où les
estafettes attendent, le falot au poing ; dans un coin, le
chirurgien irlandais du bataillon préparant flegmatiquement sa
trousse, et, silhouette adorable au milieu de ce branle-bas
d'escarmouche, une petite cantinière – habillée de bleu comme à
l'orphelinat – qui dort devant le feu, un chassepot entre les
jambes ; puis enfin, dans le fond, le bureau du télégraphe,
les lits de camp, la grande table blanche de lumière, les deux
employés courbés sur leur machine, et derrière eux le commandant
qui se penche, suivant d'un œil anxieux les longues banderoles qui
se dévident et donnent, minute par minute, des nouvelles du poste
attaqué… Décidément il paraît que ça chauffe là-bas. Dépêches sur
dépêches. Le télégraphe affolé secoue ses sonnettes électriques et
précipite à tout casser son tic-tac de machine a coudre.
    « Arrivez vite… » Dit Rueil.
    « Nous arrivons… » Répond
Nanterre.
    Et les compagnies partent au
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