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Septentrion

Septentrion

Titel: Septentrion
Autoren: Louis Calaferte
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mariés que j’avais connus étaient en perpétuels démêlés avec leurs chères moitiés, scènes et désordre à tout bout de champ. Quand, par exception, l’orage ne tonnait pas, c’est qu’il y avait anguille sous roche et qu’on ne tarderait pas à faire usage des griffes ou des fugues provisoires qui prendraient fin par un raccommodement temporaire, sorte de pont suspendu enjambant la tranchée de plus en plus large, de plus en plus profonde, ces temps de pause pleins d’animosité réciproque brusquement pulvérisés par une nouvelle et inévitable explosion dont ni le mari ni la femme ne pouvaient prévoir les conséquences. Quelques-uns d’entre eux avaient d’ailleurs trouvé plus sage de divorcer après des expériences d’une brièveté surprenante. Pélissier était de ceux-ci. Les deux frères Lévy également. Et Stols. Tout à l’opposé, Gaubert m’avait laissé entendre explicitement qu’il aurait répugné au divorce et bénissait le Ciel de n’avoir pas à se débattre au milieu de pareils déchirements. La vie peut être si harmonieuse, voyons ! Oui. Et puis plus loin dans la dernière galerie à gauche, vous trouverez la table des dix commandements.
    Bonne pâte, ce Gaubert, quand j’y repense. Dans la tonalité pastel. Avec un rien d’émouvant quelquefois.
    Par bien des côtés, sa femme lui ressemblait. Peut-être avec les années avaient-ils modelé l’un sur l’autre sans le savoir quelques traits saillants de leurs caractères jusqu’à ne plus les différencier. On les aurait crus unis par une espèce de consanguinité spéciale. Rien de commun avec l’amour tel qu’on se l’imagine. Je pense que Gaubert aurait roulé des yeux étonnés si je lui avais posé la question en ces termes. Qu’il aimât sa femme, cela était sous-entendu, et il en allait de même pour elle. Mais que cet amour, qui n’avait jamais eu à subir de violences, ni à souffrir de soubresauts, se fut peu à peu mué en affection de frère à sœur assortie d’une totale confiance, de dévouement, de bienveillance vigilante, le tout créant entre eux une sécurité ressentie de façon intime, voilà qui approchait la vérité d’assez près. Ils se connaissaient, ils s’appréciaient, se complétaient sans effort. Dans chaque manifestation courante de leur existence je les avais vus se témoigner ces attentions discrètes, presque pudiques, issues d’une tendresse latente. En cas de danger grave, il y en aurait toujours un qui interviendrait pour sauver l’autre in extremis , et tous deux, après l’alerte, reprendraient la route comme si aucune menace n’était susceptible de les faire dévier du but fixé, un jour, longtemps auparavant.
    Il y avait de quoi me démonter, moi qui surnageais péniblement, soulevé tantôt par des larmes de joie surhumaine et tantôt jeté sans force sur les récifs hostiles. Commotions et convalescences se succédant à un rythme périodique, n’espérant rien trouver d’autre devant moi, au jour de l’échéance, que l’épouvante et la fatigue du chaos.
    Sans ironie aucune de ma part, je trouvais cela fabuleux. Attirant et monstrueux comme le vide. Ces deux êtres accouplés qui semblaient s’alimenter à un même orifice d’oxygène. Gaubert était heureux. Ces gens-là étaient heureux. Ça crevait les yeux. Aussi devaient-ils respectueusement demander dans leurs prières du soir une simple prolongation du bail. Au nom du Père, du Fils et de la Sacrée Sainte Trouille bleue que nous portons tous plus ou moins enfouie profond dans les moelles à la seule pensée des désolations innombrables qui pourraient fondre sur nous sans prévenir. Satisfaits donc tant que le Seigneur prêterait main-forte en épargnant le foyer de l’épidémie annuelle de croup, bronchite, impétigo, de dysenterie, influenza, de scarlatine, de gourme, de gale, rougeole, sarcome, érysipèle, d’apoplexie, de sinusite et d’eczéma, des vents de goitres, de varicelles, de coryzas, la gingivite, les oreillons, coqueluche, zona, les écrouelles, béribéri, les humeurs froides, la fièvre quarte et la métrite, le prurigo, la typhoïde, endocardite, hypocondrie, la folie douce, kystes, hydarthrose, danse de Saint-Guy, de l’emphysème, de l’ostéite, la gastralgie, le tétanos et les descentes de matrice, crises d’urticaire et rhume des foins, pour ne rien dire de la cirrhose, du mal de Pott ni des hernies simples ou doubles. En somme, et c’était ce qu’il
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