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Retour à Soledad

Retour à Soledad

Titel: Retour à Soledad
Autoren: Maurice Denuzière
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Lamia ?
     
    – Vous a-t-elle dit pourquoi elle avait refusé de m'épouser ?
     
    – Elle m'a dit : « Les militaires sentent le tabac et la lessive. »
     
    – Ces odeurs sont préférables à celles du poisson mort et des Indiens malpropres, rétorqua le major.
     
    – Lady Lamia m'a dit encore qu'elle vous trouvait alors froid comme une lame et trop attaché à l'ordre domestique... mais peut-être prenait-elle pour froideur ce qui n'était que timidité, adoucit Charles.
     
    – Lamia m'a en effet toujours intimidé et si, aujourd'hui, après plus de vingt-cinq années, je tente de me rappeler sincèrement le premier sentiment qu'elle m'inspirait alors, qu'elle m'a toujours inspiré, je trouve le respect. Oui, le respect, mon ami.
     
    – À trop montrer de respect aux femmes, major, on les décourage de vous en dispenser, ce qui est pour elles manière de se rendre ! dit Charles.
     
    – J'ai cru sentir ce soir, chez Lamia, une chaleur d'amitié inattendue, admit Carver, ému.
     
    – L'amitié, c'est le nom de l'amour retraité, commenta Desteyrac.
     
    – Je saurai m'en satisfaire, mon ami, conclut le major.
     
    Quand les deux hommes se séparèrent, Desteyrac avait acquis la certitude que le parrainage apportait un plaisir serein au vieil amoureux de Lamia.
     

    Seul dans une chambre aux lambris déjà rongés par les termites, il s'interrogea sur son avenir professionnel.
     
    En l'absence du maître de l'île, de qui le retour n'était pas encore annoncé, il n'avait pu établir de vrais projets ni tracer des plans ou ébaucher des travaux propres à améliorer la vie sur l'île. Lord Simon, qui ne manquait pas d'idées personnelles, était ouvert à celles de l'ingénieur, mais il manifestait souvent des engouements sans lendemain. Cornfield avait quitté l'île pour l'Europe sans donner à Charles la moindre directive, lui disant simplement avant d'embarquer : « Soyez heureux et réfléchissez à ce qu'on peut faire pour rendre Soledad plus civilisée. »
     
    Ses émoluments lui étant régulièrement versés depuis l'achèvement du pont de Buena Vista, l'ingénieur avait ressenti une gêne due au farniente imposé. Il avait fait part de ses scrupules à Edward Carver, seul maître du territoire en l'absence du lord. Sur les conseils du major il avait entrepris, pour tromper son attente, l'élargissement et le dallage de la route qui conduisait du port occidental au Cornfieldshire, celle que lord Simon emprunterait en débarquant du Phoenix . On y travaillait encore, car la confection d'une telle chaussée n'avançait qu'au rythme nonchalant des ouvriers bahamiens. L'élaboration du ciment nécessaire au jointoiement des dalles exigeait de la chaux. Charles, ne pouvant en commander à Nassau ou aux États-Unis en l'absence du lord, avait adopté, pour en fabriquer, la recette des habitants d'une île voisine, sur laquelle Cornfield possédait des propriétés.
     
    Il usait, comme les indigènes, de la torréfaction, à l'aide d'un feu de bois, du calcaire corallien, riche en carbonate de calcium, substrat des îles bahamiennes depuis des millénaires. Construire ce que les habitants de Crocked Island nommaient un peu abusivement a lime kiln , un four à chaux, ne posait aucune difficulté, le calcaire et le bois étant abondants sur Soledad. À l'intérieur d'un cercle délimité par des bûches, Charles faisait disposer, tels les rayons d'une roue, d'autres bûches, puis combler tous les espaces avec du calcaire concassé auquel il avait eu l'idée d'ajouter des coquillages vides pour affiner la chaux. Les ouvriers établissaient sur ce premier assemblage des couches superposées de bûches et de calcaire jusqu'à ce que l'amas atteignît un mètre de haut. Par une sorte de cheminée ménagée au centre de la meule, on enflammait le bois qu'on laissait brûler jusqu'à ce que l'absence de fumée indiquât une complète combustion. Restait à recueillir la chaux grasse ainsi produite, qu'il convenait de tamiser pour la débarrasser des débris de bois calciné 5 . Mélangée au sable et aspergée d'eau douce, la chaux devenait une sorte de mortier que l'on coulait entre les dalles de calcaire, grossièrement taillées et qui allaient couvrir la chaussée la plus roulante jamais établie sur Soledad.
     
    Après avoir imaginé d'autres travaux à proposer à lord Simon, il chercha le sommeil en pensant à Ounca Lou et à l'enfant dont il convenait d'annoncer la naissance
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