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Retour à l'Ouest

Retour à l'Ouest

Titel: Retour à l'Ouest
Autoren: Victor Serge
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liquidation de quelques milliers d’anarchistes
et de militants du POUM » [24] .
Immédiatement, il alerta Nin, mais l’ex-ministre de la Justice de la Généralité
de Catalogne « secouait gravement la tête, disait que Serge avait raison »,
mais « ne prit aucune précaution », et se laissa arrêter quelques
semaines plus tard dans son bureau par des policiers staliniens qui le firent
disparaître [25] .
En mai 1937, des milices communistes bien armées attaquèrent le central
téléphonique de Barcelone afin d’en expulser les travailleurs
anarcho-syndicalistes qui l’avaient collectivisé. Les travailleurs répondirent
à cette provocation par plusieurs journées de batailles de rue (décrites par
Orwell dans
Hommage à la Catalogne)
alors
que les chefs du POUM de la CNT-FAI négociaient un compromis avec leurs
adversaires communistes qui le déchirèrent aussitôt les armes rendues, puis
arrêtèrent Nin et mirent au ban son parti. Comme l’avait malheureusement prévu
Serge, les anarchistes gouvernementaux de la CNT-FAI ne prirent pas la défense
du POUM et subirent plus tard un destin semblable aux mains de leurs cyniques « alliés »
staliniens, tout en s’abstenant de les critiquer ouvertement au nom du « front
antifasciste » [26] .
    Tout de suite après ces journées tragiques de mai 1937, Serge
tenta de mettre en place un « Comité international de défense pour les
révolutionnaires antifascistes en Espagne » avec l’appui de l’
Indépendant Labour Party
anglais (plus
à gauche que les travaillistes). Son chef, le parlementaire James Maxton, participa
aux délégations internationales envoyées en Espagne pour enquêter sur la
disparition de Nin et assister au « procès de Moscou » fabriqué à
Madrid par le Guépéou contre les saboteurs « trotsko-fascistes »
espagnols. On sait aujourd’hui que Nin fut torturé à mort, mais la campagne
internationale dont Serge était la cheville ouvrière finit par sauver des mains
du Guépéou les militants du POUM accusés d’espionnage à Madrid – parmi lesquels
Julián Gorkin, dont la solidarité sauvera plus tard Serge en facilitant son
asile au Mexique en 1941.
    Pour revenir à
La
Wallonie,
Serge consacre une trentaine de chroniques à la lutte
contre le fascisme en Espagne : situation militaire, sacrifices du peuple,
perfidie des démocraties bourgeoises et des staliniens [27] . En revanche, il
n’écrit pas sur les journées de luttes sanglantes intestines de mai 1937 à
Barcelone (si bien observées par Orwell) et on peut se demander pourquoi Serge
ne se sert pas de sa tribune liégeoise pour « gueuler la vérité » sur
les crimes staliniens en Espagne et donner de la publicité à sa campagne
internationale pour défendre ses camarades marxistes et anarchistes. Ce n’est
qu’en 1939 que Serge révèle le fond de sa pensée aux lecteurs de
La Wallonie
dans des chroniques aux
titres évocateurs comme «  Après la
défaite : dernière trahison stalinienne à Madrid  » ; «  Le Stalinisme en Espagne  » ; «  Lumières sur l’intervention stalinienne en
Espagne  » et «  Ce n’était qu’une
diversion stratégique  » – dans le jeu entre Staline et Hitler.
    Pourquoi cette autocensure ? Serge l’explique dans «  Sur le drame espagnol…  » (11-12 mars 1939) :
« Tant que l’espoir d’une victoire subsista pour la République espagnole –
et avec elle pour les travailleurs de la péninsule –, nombreux furent ceux qui,
connaissant les péripéties intérieures de la tragédie, hésitèrent à en parler autrement
qu’entre initiés. Je fus de ceux-là, bien que le devoir du silence – ou
demi-silence – m’ait souvent été lourd. » L’anarchiste américaine Emma
Goldman éprouve les mêmes sentiments conflictuels pendant son séjour en Espagne
comme invitée de la CNT-FAI. Dans ses lettres à son compagnon Alexandre Berkman,
Goldman, pourtant célèbre pour sa critique précoce de la dictature naissante en
URSS, exprime ses angoisses sur les intrigues communistes et la complicité des
chefs anarchistes qu’elle n’ose pas exposer publiquement dans ses contributions
journalistiques [28] .
Comme Serge, elle tombe dans le piège stalinien de l’hypocrite « pacte
anti-calomnies » à l’intérieur du front antifasciste qui permettait aux
communistes de calomnier leurs adversaires de gauche sans que ceux-ci puissent
répondre.

Le fascisme, l’antisémitisme et les débuts de
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