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Requiem sous le Rialto

Requiem sous le Rialto

Titel: Requiem sous le Rialto
Autoren: Nicolas Remin
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demandaient qu’à se faire trucider. S’il n’avait pas été aussi difficile, il aurait attaqué depuis longtemps. Mais la bête au fond de lui ne s’était pas encore montrée satisfaite des proies qui avaient croisé son chemin. La silhouette, les cheveux, la façon de se mouvoir – tout devait répondre à ses attentes. Si possible même la couleur des yeux. Verts et innocents comme le feuillage au printemps, avec des battements de paupières mélancoliques. La bête fauve au fond de lui était-elle romantique ? Parfois, il venait à le penser. Lui, en tout cas, il ne l’était pas le moins du monde.
    Il tourna la tête pour observer un groupe de femmes qui étaient passées à côté de lui et s’étaient arrêtées quelques pas plus loin de manière à examiner le public masculin. Il sourit sans le vouloir. Ces dames aussi étaient en chasse. Cela étant, elles ne l’intéressaient pas du tout. L’une d’elles semblait porter une perruque noire ; les deux autres avaient des boucles châtain. Elles étaient toutes les trois petites et potelées. Il ne lui fallut pas longtemps pour rendre son jugement : insatisfaisant. Pas de proie grassouillette. Cette perspective ne lui procurait aucune excitation.
     
    Il la débusqua deux heures plus tard. Impossible de la manquer. Dès qu’elle apparut, la bête fauve au fond de lui poussa un hurlement de loup affamé. L’espace d’un instant, il redouta que ce cri ait pu traverser la paroi de son crâne et jeta des regards effrayés à la ronde. Peut-être avait-il lui-même hurlé ?
    Elle se tenait près de la sortie menant au ponton où s’arrêtaient les gondoles. Elle était blonde et grande. Une de ces légendaires Vénitiennes qui s’éclaircissaient les cheveux avec de l’eau de mer sur leurs balcons en été. Ce n’était pas une novice, c’était une femme d’une trentaine d’années, mais cela ne le dérangeait pas. Il n’avait pas l’intention de l’épouser. La bête fauve en lui veillerait de toute façon à ce que leur relation ne s’éternise pas.
    Les couples ondoyaient au rythme d’une valse lente. Pendant un moment, il envisagea de l’inviter. Seulement, il dansait mal et craignait de se ridiculiser. En outre, il transpirait. De nouveau, il fut tenté de retirer son loup, mais se retint. C’eût été une erreur de se démasquer avant d’être monté dans une chambre, surtout que le portier ferait vraisemblablement preuve de compréhension pour son déguisement. Un homme qui entrait dans un hôtel de passe avec une traînée n’avait pas envie qu’on se souvienne de lui.
    « À quoi il ressemblait, commissaire ? Je suis bien incapable de vous le dire. Il portait un loup et rien dans le bas de son visage ne m’a frappé. Son menton était on ne peut plus normal. C’est un homme de taille moyenne, ni gros ni maigre. Et il n’a rien dit. Il a laissé la femme parler à sa place. Donc, ne me demandez pas s’il s’agit d’un Vénitien ou d’un étranger. Je n’en sais rien. »
    Lorsque la valse s’acheva et que les couples se séparèrent, il esquissa un pas dans sa direction. Elle le remarqua, l’observa, son regard s’attarda sur son couvre-chef.
    L’affaire aurait marché à merveille si cet imbécile ne l’avait pas devancé. Un individu grand et fort. Inutile de le provoquer. Ils avaient négocié très vite. Ensuite, la gourgandine l’avait pris par le bras et l’avait entraîné vers le ponton. Fichu ! Perdu * 3  ! Le tout n’avait pas duré plus de deux minutes. La rapidité des affaires, à Venise, l’étonnait. Il attendit quelques instants pour laisser à la bête furieuse au fond de lui le temps de se calmer. Puis se dirigea vers la porte, l’ouvrit et s’avança sur le ponton de la locanda Zanetto .
    Après la fumée de cigarette et les vapeurs d’alcool, l’air pur du dehors lui fit l’effet d’une vraie bénédiction. À l’ouest, une guirlande de lumières traversait la lagune. Il lui fallut un moment pour se rendre compte qu’il s’agissait du chemin de fer reliant Venise à la terre ferme. Il gagna l’extrémité du ponton et vit la gondole de la traînée disparaître dans l’obscurité. La reverrait-il la nuit suivante ? Probablement. Ce genre de femme avait son territoire, et la locanda Zanetto devait être le sien. Il n’y avait donc aucune raison de s’énerver. Il supposa que la bête au fond de lui partageait son avis.
    De toute évidence, elle s’était retirée,
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