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Qui étaient nos ancêtres ?

Qui étaient nos ancêtres ?

Titel: Qui étaient nos ancêtres ?
Autoren: Jean-Louis Beaucarnot
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l’électricité y était arrivée, un soir de novembre 1924.
    « L’annonce était officielle, la “lumière” devait arriver ce soir. On avait invité un voisin d’un hameau voisin, hameau qui ne serait alimenté que plus tard, et dès la tombée du jour, on s’était donc réunis dans la cuisine pour l’attendre. L’Adine (la fille des fermiers, âgée d’une quinzaine d’années) vérifia tous les boutons, écurie comprise, puis elle se planta derrière le tuyau du poêle, bien trop énervée pour s’asseoir. Maintenant, il faisait tout à fait nuit, on n’osait plus ouvrir la bouche, on ne bougeait ni pied ni patte, c’était tout juste si l’on respirait. On sursauta tous quand l’horloge asséna son heure… Elle lâchait son dernier coup quand la suspension se transforma en soleil, ce qui nous ferma les yeux brutalement. On fit “Oh ! Hou ! Ah !” ; on se mit les mains sur les paupières, on ouvrit les yeux derrière les paumes, on tourna le dos à la lumière, enfin on la regarda bien en face. L’Adine bondit sur le bouton et “crac”, ce fut la nuit. On hurla ! “Cric”, ce fut de nouveau plein jour. [Le fermier] souleva les franges du globe et l’on admira le petit soleil. L’araignée noire était devenue dentelle de feu. (…). On fit “Hé, hééééé”. “Faut pt’ête pas s’user les yeux, dit-il. Allons, arrêtez !” « Et pour le reste de la soirée, on ressortit la lampe à pétrole… »
    Mais plus encore que l’obscurité, la malpropreté règne partout. De la ville à la campagne, de la rue à la cour de ferme, du château à la chaumière, l’univers de nos ancêtres n’a rien de commun avec le nôtre, si aseptisé.
    La ville d’antan n’est ni riante, ni pimpante, ni fleurie. Si elle n’est pas polluée par les échappements d’essence et de gaz oil, les ânes et les chevaux tirant charrettes et carrosses, puis diligences et fiacres, parsèment ses pavés de crottin, précieusement récupéré. Ajoutez-y les chèvres du chevrier, et autrefois les poules et les cochons qui y vaquent en liberté : à Paris, ils ne seront interdits que par Louis VI le Gros, en 1131, à la suite de la chute de cheval mortelle qu’avait fait son fils, en heurtant un cochon errant. Ce règlement avait été rappelé sous François I er , en 1539, et assorti cette fois-ci de sanctions contre la possession de « pourceaux, truyes, cochons, oisons (oies), connils (lapins) et pigeons ». Un siècle plus tard, à Nancy, les ducs de Lorraine devront pareillement intervenir, pour empêcher, en 1654, d’élever des poules dans les appartements.
    Toute cette faune, évidemment, laisse des traces, qui se mêlent, dans le ruisseau, aux eaux usées rejetées par les maisons, aux immondices en tout genre, et notamment aux flots de sang déversés par les bouchers ou les rôtisseurs saignant leurs animaux. Longtemps, les voies n’étant pas pavées, le sol devient boueux dès la première pluie, et les bourgeois affublés de pelisses de fourrure, comme les dames apprêtées dans leurs belles robes aux teintes vives, se voient sans cesse contraints à relever leurs vêtements, comme les curés leurs soutanes, tous devant faire de grands pas pour ménager leurs savates. Le pavage des rues de Paris, entrepris par Philippe Auguste, est longtemps resté circonscrit à certains quartiers et à certaines voies, recouvertes de grandes dalles appelées des carreaux, d’où nous avons d’ailleurs gardé notre « carreau des Halles » et l’expression « rester sur le carreau ».
    À Paris, l’air est constamment vicié. Il l’est par les relents du cimetière des Innocents, immense charnier occupant notre ancien « trou des Halles », et où, en 1776, on finira par interdire les inhumations, en raison, justement, de ces exhalaisons et pestilences « vitrioliques, sulfureuses, salines et arsenicales ». Une atmosphère que l’on retrouve dans nombre de villes, souvent aggravée par les relents dégagés par les tanneries ou les teintureries.
    Comme toutes les villes, Paris exhale donc cette puanteur qui a tant choqué Arthur Young à Pamiers, à Clermont, à Bordeaux ou à Rouen, toutes cités dont les murs et les porches sont autant d’urinoirs publics, où chacun se soulage.
    Mais l’air parisien est également vicié par les latrines, dont les « Maîtres Fifi », souvent appelés « compagnons des basses œuvres », ancêtres de nos vidangeurs et institués par
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