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Petite histoire de l’Afrique

Petite histoire de l’Afrique

Titel: Petite histoire de l’Afrique
Autoren: Catherine Coquery-Vidrovitch
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« informel » de la masse des citadins (qui, aujourd’hui, atteint environ 70 % des activités) est apparu dès le début de la colonisation. Il fallaitbien, en effet, que quelqu’un s’occupât des affaires domestiques de tous ceux qui étaient désormais employés par les Blancs (en tant que cheminots, facteurs, porteurs, maçons, artisans ou «  boys  »). Cela entraîna donc une importante migration féminine urbaine très mal contrôlée. Dans les villes hypertrophiées, qui n’ont cessé de grossir depuis les années 1950, les habitants ont dû inventer seuls de nouvelles formes de citadinité, dont les processus et les mécanismes restent largement méconnus des services officiels. C’est pourquoi il est si difficile aujourd’hui d’avoir recours à des solutions urbanistiques classiques pour traiter un phénomène hérité d’un long passé de malentendus et d’incompréhension réciproques, entre la vie quotidienne et concrète d’une immense majorité de citadins, ceux des classes défavorisées, et la gouvernance urbaine actuelle. Cette dernière cherche à remédier à l’absence ou aux difficultés de la démocratisation politique. Le problème, c’est que la démocratie exige, pour bien fonctionner, une bonne gouvernance (c’est-à-dire une gestion administrative saine et exigeante), mais que toute « gouvernance » sans démocratie est un leurre, car l’administration découle du politique et non le contraire.
    Les études récentes sur la ville africaine, plutôt que d’insister sur la nécessaire « adaptation » des Africains à la ville (occidentale) — ce qui fut le thème dominant de l’anthropologie africaniste des années 1960-1980, pour laquelle l’Africain était par essence un rural (ce qui a donné lieu à des clichés aussi grossiers que celui exprimédans le discours du président Sarkozy à Dakar) —, mettent l’accent sur la créativité urbaine africaine ; les villes ne sont pas pour les Africains des lieux d’adaptation, ce sont (comme ce fut le cas toujours et partout) des lieux de syncrétisme et d’échange. Ce ne sont pas les Africains qui devraient « s’adapter » à un modèle urbain qui leur serait étranger (au contraire, depuis une bonne génération, bon nombre d’enfants des villes ne sont jamais allés à la campagne, faute de moyens), ce sont les Occidentaux (experts de l’urbanisme inclus) qui doivent accepter de recourir à de nouveaux instruments d’analyse pour comprendre comment et pourquoi les citadins africains génèrent des modèles urbains pour lesquels les instruments conceptuels habituels s’avèrent inopérants. En d’autres termes : qu’est-ce qui fait que des villes, qui, selon les normes occidentales, ne devraient pas « marcher », fonctionnent ? On peut même dire qu’elles ne fonctionnent pas si mal que cela ; en tout cas elles répondent mieux que les campagnes aux besoins et aux demandes de citadins en passe de devenir majoritaires (par exemple, Ibadan, ville de plus de 3 millions d’habitants, ne compte qu’un seul feu rouge, et pourtant la circulation automobile y fonctionne relativement normalement). Ce qui entrave la circulation dans les métropoles africaines (de façon parfois dramatique, comme à Kinshasa, où les embouteillages de très longue durée font partie de la vie quotidienne), c’est moins l’absence de signalisation que l’insuffisance criante du réseau routier (en dépit de l’existence d’autoroutes urbaines) face à l’augmentation exponentielle desautomobiles : hormis les grandes artères, la plupart des rues sont encore souvent en terre.
    Les espaces urbains exercent une influence déterminante sur les processus de changements sociaux et culturels. Plus que jamais les villes africaines sont, comme ailleurs, des lieux de médiation et de pouvoir, et donc d’élaboration sociale et politique et d’invention culturelle. La vie n’y est pas facile, certes, mais elle n’y est pas désespérée.
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    Notes du chapitre 10
    1 . Blaise Diagne, député élu à l’Assemblée nationale française (selon un héritage de la Révolution française réactivé en 1848, dont relevaient les quelques colonies rescapées du premier empire colonial, d’avant les guerres napoléoniennes, qui avaient le droit d’élire un représentant national), négocia cet acquis contre la promesse de lever chez les « sujets » d’AOF les troupes nécessaires pour la guerre des tranchées.
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