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Paris vaut bien une messe

Paris vaut bien une messe

Titel: Paris vaut bien une messe
Autoren: Max Gallo
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13 septembre
1598 – de Philippe II, né la même année que moi.
    J’ai tremblé, Seigneur, en écoutant le récit de l’agonie de
ce monarque que j’avais si longtemps servi, puis combattu.
    Montanari m’apprit que Diego de Sarmiento était mort dans
les heures qui avaient suivi le décès du roi.
    Je ne pouvais oublier que Sarmiento m’avait, aux temps
lointains où je n’étais qu’un esclave chrétien des Barbaresques, appris à
espérer. Comme son souverain, il avait rêvé de la Monarchie universelle.
    Montanari me décrivit le corps de Philippe, rongé par les
ulcères, les vers grouillant dans les plaies. Il me raconta comment le roi
avait tenté de se redresser pour dire à l’héritier de sa couronne :
    — Voyez, mon fils, où aboutissent les grandeurs de ce
monde, voyez ce que c’est que la mort, et tirez-en réflexion, car demain vous
allez régner.
     
    À cet instant, Seigneur, j’ai été heureux que mon fils Jean
ait choisi d’être l’un de Vos serviteurs, qu’il n’ait pas recherché la
puissance terrestre, qu’il n’ait voulu servir que Votre Gloire éternelle.
    J’ai pensé que la mort, si elle saisit tous les corps, ne
prend les âmes que de ceux qui ont cessé de croire en Vous.
    J’ai prié, Seigneur, devant Votre visage aux yeux clos.
    Car je crois en Vous.

 
ÉPILOGUE
    Ainsi s’achève, par une parole de foi, le manuscrit de
Bernard de Thorenc.
    Je ne sais rien de ses dernières années.
    Je n’ai retrouvé au Castellaras de la Tour aucune trace de
sa sépulture.
    Dans la chapelle, aux côtés du tombeau de Michele Spriano,
se trouvent des dalles funéraires de la famille Thorenc, mais la plus ancienne
d’entre elles, qui célèbre le souvenir d’un François de Thorenc, est datée de
1702, soit plus d’un siècle après que Bernard de Thorenc eut cessé d’écrire.
    Rien ne m’a permis de combler cette béance.
     
    Bernard de Thorenc a-t-il vécu jusqu’à ce vendredi
14 mai 1610, le jour où, vers quatre heures de l’après-midi, rue de la
Ferronnerie, dans le prolongement de la rue Saint-Honoré, là où la chaussée se
resserrait entre des échoppes, un colosse à la barbe rousse, aux cheveux d’un
blond flamboyant, au regard illuminé, un pied posé sur une borne et l’autre sur
le rayon de la roue droite du carrosse royal, planta jusqu’à la garde, et par
trois fois, son couteau dans le flanc de Henri IV ?
    Bernard de Thorenc a-t-il tremblé, comme si Dieu lui
infligeait une nouvelle épreuve ?
    Les jésuites furent en effet accusés d’avoir accueilli et
confessé le régicide Ravaillac.
    « Le couteau n’a été que l’instrument de Ravaillac,
lit-on dans un libelle, peu après le meurtre. Ravaillac, d’autres qui l’ont
induit, poussé, instruit, lui ont mis en main le ferrement, en l’esprit ce
parricide ; ne s’en sont trouvés coupables que les seuls jésuites, ou
leurs disciples. »
    Jean de Thorenc était jésuite et j’imagine l’angoisse de
Bernard, ses prières, agenouillé dans la chapelle, devant le visage du christ
aux yeux clos.
     
    Cette tête sculptée est posée devant moi.
    Je l’ai achetée à Maria de Ségovie après avoir fini de
retranscrire – de mettre en scène et en forme – le manuscrit de
Bernard de Thorenc.
    Ce visage du Christ dont le bois (la peau) a une couleur
(une pâleur) verdâtre, je l’ai placé sur l’un des rayonnages, en face de la
table sur laquelle je travaille.
    Je me lève souvent, attiré par cette tête. Je m’approche,
tends la main sans oser la toucher, puis me décide enfin à l’effleurer, et je
suis à chaque fois surpris par la douceur de ce contact.
    Le bois est chaud comme s’il s’agissait de la chair d’un
corps souffrant.
     
    Bernard de Thorenc a-t-il lu le récit des souffrances
infligées à Ravaillac ?
    Je le transcris, parce que je crois être ainsi fidèle à Thorenc
qui, peu à peu, au long de sa vie, ne mettait plus en accusation telle ou telle
religion, plus cruelle qu’une autre, mais l’homme fanatique, aveuglé, celui
dont la foi sert de prétexte et d’excuse au désir de mutiler, de tuer,
d’infliger le mal, ce Mal qui est en chacun de nous.
    Qui incarnait le Mal sur la place de Grève, le 27 mai
1610, jour du supplice de Ravaillac ?
    Le régicide porté sur l’échafaud, car les brodequins de la
torture lui avaient déjà fait éclater les genoux, cet homme aux yeux fous de
douleur et qui continuait de murmurer : « Que toujours en
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