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Paris vaut bien une messe

Paris vaut bien une messe

Titel: Paris vaut bien une messe
Autoren: Max Gallo
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trompe
et cri public aux provinces et frontières du royaume », pour se venger des
torts, offenses et injures reçues de Philippe II.
     
    Le roi va rejoindre ses armées. Je le vois chaque jour. Son
visage est couvert de taches rougeâtres cernées de bourrelets purulents.
    — Me reconnais-tu, Thorenc ? demande-t-il en se
forçant à rire.
    Il tremble de fièvre, cette « voisine », comme il
l’appelle, qui vient l’habiter souvent.
    J’ai entendu Séguret lui dire :
    — Sire, vous n’avez encore renoncé à Dieu que des
lèvres, et Il s’est contenté de les percer. Mais si vous Le renoncez un jour du
cœur, alors Il percera le cœur.
    Je devine la tristesse du roi. Il porte un emplâtre sur la
bouche, la plaie ouverte par le poignard de Jean Chatel étant lente à se
refermer.
    On tue plus vite un régicide qu’on ne guérit de sa blessure.
    Sans compter que celle-ci n’est pas que dans le corps du
roi.
     
    Je marche près du carrosse dans lequel il est assis –
ou blotti, plutôt –, vêtu de noir.
    Les regards de la foule, je les sens à nouveau et déjà
impitoyables.
    On ne crie plus « Vive le roi ! ». Ordre a
été donné de se saisir et de punir toutes personnes hostiles au souverain. Et,
cependant, j’entends une voix forte qui lance :
    — Voilà déjà le roi au cul de la charrette !
    Et le rire de la foule se prolonge comme un grelot.
     
    Je m’incline devant lui lorsqu’il descend de son carrosse.
Il s’appuie à mon bras.
    — Un peuple est une bête, murmure-t-il. Il se laisse
mener par le nez, principalement le Parisien. Ce ne sont pas eux, mais de plus
mauvais qu’eux qui les persuadent.
    Il m’étreint le poignet, se redresse.
    — Il faut en finir avec ces pensées de guerre civile,
dit-il. Il faut rassembler le peuple contre l’Espagnol qui est le dernier et
principal personnage de cette guerre. Nous allons le vaincre !
     
    La guerre, donc ! La chair de l’homme et son sang
sont-ils, Seigneur, le manger et le boire quotidiens des hommes ? Est-ce
là à jamais leur nourriture et leur châtiment ?
     
    Je Vous prie, Seigneur, à genoux au bord de cet abîme.

 
44.
    J’ai cru, à peine quelques jours, mais j’ai cru que l’abîme
allait se combler, se refermer, et que les hommes, Seigneur, Vous avaient enfin
entendu et qu’ils allaient se réconcilier.
     
    C’était le printemps de l’année 1598.
    Durant les mois précédents, j’avais chevauché aux côtés du
roi. En face de nous, nous avions vu les rangées de piques de l’armée
espagnole. Je savais qu’avec l’obstination du vieil homme qui n’a renoncé à
rien Diego de Sarmiento la commandait et qu’à plusieurs reprises, à
Fontaine-Française ou à Amiens, ses cavaliers, ses hallebardiers s’étaient à ce
point rapprochés de nous que j’avais cru voir étinceler au-dessus de nos têtes
la faux aiguisée de la Mort.
    Le père Verdini, entêté lui aussi à nous expédier en enfer,
se tenait aux côtés de Sarmiento et tous deux ne voyaient de salut que dans le
triomphe de Philippe II.
    Nous avions dû faire retraite, abandonner les corps de
centaines de gentilshommes, et, me retournant, j’avais vu fondre sur eux, comme
des vautours, les détrousseurs qui escortaient les armées.
     
    À Paris, à l’hôtel de Venise, Leonello Terraccini m’avait
rapporté que l’on chantait dans les rues :
     
    Ce grand
Henri qui voulait être
    L’effroi de
l’Espagnol hautain
    Maintenant
fuit devant un prêtre
    Et suit le
cul d’une putain.
     
    C’était à nouveau la haine qui empestait.
    On crachait de mépris en évoquant Gabrielle d’Estrées que le
roi comblait de bijoux et de terres.
    Il lui avait offert un duché. Elle s’y pavanait, elle
accumulait les perles. Elle trompait le souverain. Et je le voyais se
mordillant les lèvres, jaloux, vieilli, cherchant à satisfaire sa jeune
favorite, la blonde à la peau d’albâtre, courant les bals avec elle entre deux
batailles, forçant, comme l’avait fait Henri III, les portes des maisons
pour s’y livrer à des mascarades.
    Le peuple de rien détournait la tête, vouait à l’enfer cette
« duchesse d’Ordure », et trouvait que ce roi converti restait entre
les mains du diable.
    « La caque sent toujours le hareng ! »
lançait-on.
    Et les ligueurs obstinés ne désespéraient pas qu’un
régicide, plus heureux que Chatel, ne se contentât pas de percer la lèvre du
souverain, mais lui plantât une lame
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