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Paris vaut bien une messe

Paris vaut bien une messe

Titel: Paris vaut bien une messe
Autoren: Max Gallo
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j’imagine que c’est pour cela, Seigneur, que Vous m’avez
condamné à l’enfer.
     
    Je suis arrivé à Paris en décembre 1571, soit près de huit
mois avant ce dimanche 24 août, jour de la Saint-Barthélemy, où l’on tua
comme on déboise.
    En me rendant à l’hôtel d’Espagne, rue Saint-Honoré, où
logeait Diego de Sarmiento, envoyé de Philippe II auprès de la cour de
France, je m’arrêtais souvent à l’église Sainte-Opportune.
    Elle était située à quelques pas du n° 29 de la rue
Saint-Denis où s’élevait, au sommet de sa pyramide de pierre, la Croix de
Gastine.
    Je m’agenouillais parmi le peuple des gens de rien.
    Du haut de sa chaire, dans la pénombre trouée çà et là par
la flamme jaune et noir des hautes bougies, un prêtre – dont Sarmiento
m’apprit qu’il s’appelait Veron et avait été inquisiteur en Espagne –
prêchait.
    Chacun de ses mots tombait comme un coup de hache.
    Je baissais la tête, seul parmi tous ces fidèles qui, les
yeux levés vers Veron, la bouche entrouverte, semblaient figés par quelque
sortilège.
    — Un hérétique, un huguenot est un arbre pourri qui
pourrit la forêt tout entière ! clamait le père Veron. C’est un loup qui
veut dévorer le troupeau. Il a apparence d’homme, mais il est créature du
diable. Qui abattra cet arbre, qui tuera ce corps, purifiera la forêt des
croyants, sauvera le troupeau de Dieu et punira le diable ! Prions !
Chantons pour la plus grande gloire du Seigneur !
     
    Je quittais l’église, ayant souvent l’impression qu’on
s’apprêtait à se jeter sur moi, tant mon attitude et mon départ me rendaient
suspect.
    J’étais peut-être l’un de ces espions huguenots, de ces
hypocrites, de ces loups masqués qui rôdaient dans Paris, prêts à
massacrer ?
    Car tout un chacun dans le royaume de France se voyait
brebis et imaginait l’autre en loup.
    J’arrivais enfin à l’hôtel d’Espagne.
    L’ambassadeur de Philippe II, le comte Rodrigo de
Cabezón, que j’avais connu à Valladolid, m’y accueillit, me conduisit auprès de
Diego de Sarmiento, d’Enguerrand de Mons et du père Verdini, assis devant une
cheminée dont le feu éclairait la pièce lambrissée.
    J’avais partagé avec eux tant de moments de ma vie qu’ils
devinaient mon trouble et qu’il suffisait d’une de leurs questions pour que je
me confie.
    Je m’inquiétais de ce qui allait survenir. Qu’allaient faire
les gens de rien après avoir écouté les prêches du père Veron ? Ils
s’étaient déjà rassemblés autour de la Croix de Gastine. Ils avaient molesté
des soldats du roi, commencé à piller des boutiques, tenté de mettre le feu à
des maisons de huguenots, sur le pont Notre-Dame, ainsi, qu’à celle qu’on
appelait du Marteau-d’Or.
    Les mains croisées devant la bouche, la tête penchée, le
père Verdini restait silencieux.
    Cela faisait seulement quelques jours qu’il était arrivé à
Paris, envoyé par Sa Sainteté Pie V pour essayer d’empêcher ce mariage
funeste que Catherine de Médicis voulait conclure entre sa fille, Marguerite de
Valois, et le roi de Navarre, ce huguenot de Henri le Béarnais, Bourbon par son
ascendance et appartenant donc à l’une des familles régnantes de France.
     
    Sarmiento était indigné.
    Il arpentait la pièce, les bras repliés sur la poitrine, les
mains enserrant ses épaules. Il me donnait l’impression d’être une boule de
muscles et de colère qui parfois s’immobilisait, nous regardait, tendait le
bras vers le père Verdini ou Enguerrand de Mons, les prenant à témoin. Puis il
croisait à nouveau les bras et décrivait un cercle autour de moi comme s’il
avait voulu m’emprisonner, m’empêcher de fuir les propos qu’il assénait d’une
voix tranchante.
    Personne, disait-il, à part lui et le souverain d’Espagne
auquel il envoyait chaque jour un courrier, ne mesurait l’étendue du complot
qui se tramait ici, à la cour de France, contre l’Espagne et la sainte Église.
    Le royaume, si les conspirateurs huguenots l’emportaient,
risquait de sombrer dans l’hérésie, à l’instar de celui d’Angleterre.
    La reine mère, cette Italienne, cette Médicis, n’était
qu’une empoisonneuse entourée d’Italiens, les Strozzi, les Gondi, qu’elle avait
faits princes. Les uns étaient des tueurs à gages, les autres des parfumeurs,
créateurs de mixtures qu’il suffisait de respirer pour mourir.
    Elle ne se souciait de rien d’autre
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