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Paris vaut bien une messe

Paris vaut bien une messe

Titel: Paris vaut bien une messe
Autoren: Max Gallo
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âmes
corrompues, ces êtres de vice et de mensonge, ces usurpateurs de la foi du
Christ, ces vendeurs d’indulgences à la panse rebondie, ces maîtres de la
débauche.
    Je me dérobais lorsqu’ils me proposaient de participer à
leur culte, d’écouter leurs prêches, leur lecture de la Bible.
    Je laissais entendre que, chargé d’une mission, je devais
rejoindre Paris au plus vite.
    On me questionnait : était-il vrai que l’on préparait
le mariage de Marguerite de Valois, la fille de la reine mère, la noire,
l’empoisonneuse Catherine de Médicis, complice des Espagnols, et de Henri de
Navarre-Bourbon, le prince de Béarn, fils de Jeanne d’Albret, la reine
huguenote ?
    Allait-on se laisser prendre à ce piège ? était-ce le
prix à payer pour pouvoir enfin prier comme il le fallait ?
    Je répondais par des mimiques et m’éloignais au plus vite.
     
    J’avais hâte de me retrouver seul sur les chemins avec mes
deux chevaux, dans cette campagne dénudée par l’automne et sous ce ciel glacé.
    La solitude me rassurait alors que j’aurais pu craindre
brigands, écorcheurs et rançonneurs de toutes sortes. Mais ils me semblaient
moins cruels et menaçants que ces hommes de religion qui voyaient dans
l’inconnu non pas le simple possesseur d’une bourse remplie d’écus qu’il
fallait dépouiller de son bien, mais Satan qu’on devait tuer.
    Seul sur ces chemins, dormant dans l’anfractuosité d’une
roche ou payant mon écot dans une auberge, voire chez un paysan, j’étais
rassuré. Mais la crainte me saisissait dès que je franchissais une poterne.
     
    Dans chaque village au-delà de Lyon on m’a demandé en me
visant avec une arquebuse si j’étais huguenot, hérétique.
    Je racontais la bataille de Lépante, ma guerre contre les
infidèles à Malte, ma croisade en Andalousie contre les Maures.
    Je leur parlais des chiourmes et des bagnes d’Alger.
    Rassurés sur mon appartenance, ils m’écoutaient à peine,
soucieux qu’ils étaient seulement d’extirper l’hérésie.
    J’étais de leur foi, de leur Église. Je priais avec eux.
    J’écoutais le prêtre clamer en chaire qu’il fallait tuer le
huguenot, quel qu’il fut, père, frère ou sœur. Point de pitié pour celui qui
portait le germe du Mal !
    — Quand ton frère, continuait le prêtre, fils de ta
mère, ou ton fils, ou ta fille, ou ta femme qui est en ton sein, ou ton
prochain, lequel t’est comme ton âme, te viendra inciter à servir un autre
Dieu, d’une autre manière, ne l’écoute pas, ne lui fais pas miséricorde !
Occis-le ! Ta main sera sur lui la première pour le mettre à mort, et
après la main de tout le peuple !
    Et l’on me montrait la fosse où l’on avait enfoui les corps
des huguenots de guerre, ceux de leurs femmes hypocrites dont on avait purgé le
village.
     
    Seigneur, fallait-il qu’en Votre nom on s’entre-tue, on se
dévore ?
    Seigneur, était-ce cela la paix ?
    À Paris, en écoutant les cris de la foule autour de la Croix
de Gastine ou sur le pont au Change, j’ai su que la Seine, comme la mer à
Lépante, allait être rougie par le sang humain.

 
3.
    Chaque nuit, Seigneur, depuis l’année 1572, celle du
massacre, il y a vingt-sept ans de cela, je Vous implore de me délivrer de mes
remords et de mes cauchemars. Vous n’avez jamais voulu m’entendre. Vous m’avez
laissé dans l’enfer des nuits sans sommeil.
     
    Je vois un homme sur la rive droite de la Seine, quai de
l’École, non loin de l’église de Saint-Germain-l’Auxerrois.
    Comme on le fait d’un fagot, il traîne un nouveau-né
emmailloté dont le sang a rougi les linges.
    L’homme marche du pas lent d’un bûcheron qui vient d’achever
sa taille.
    Il s’arrête, regarde l’un de ses compagnons qui, la hache
levée, est encore à la tâche.
    Une femme se tient à genoux devant lui, enfouissant entre
ses seins et ses cuisses un enfant comme si elle voulait qu’il rentre en elle.
    Mais la hache s’abat et les corps sont fendus d’un coup bien
ajusté qui partage la mère et l’enfant en deux parties écarlates.
    Les bûcherons se congratulent et se signent.
    Ils cherchent autour d’eux quels corps ils vont pouvoir
abattre, puis jeter dans le fleuve dont je savais, Seigneur, dès les premières
heures de mon séjour à Paris, qu’il serait rougi de sang humain.
    Je n’ai rien fait pour empêcher cette coupe sanglante. Au
contraire, je m’y suis mêlé, aussi fasciné qu’effrayé.
    Et
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