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Paris vaut bien une messe

Paris vaut bien une messe

Titel: Paris vaut bien une messe
Autoren: Max Gallo
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déterminées était celle du Castellaras de la Tour, formée de mercenaires
suisses ou allemands, lansquenets de sac et de corde, impies, que payait le
comte Guillaume de Thorenc. Et, durant toutes ces années de guerres –
treize années de guerre pour la religion ! –, Guillaume de Thorenc
avait mis sa bande au service de l’amiral de Coligny, du prince de Condé, de
Henri de Navarre-Bourbon, ces chefs de la secte huguenote auxquels le roi et la
reine venaient d’accorder le privilège des places de sûreté, le droit de croire
à ce qu’ils voulaient.
    Était-ce là ce que les catholiques pouvaient attendre de
leur suzerain et de la reine mère ?
     
    J’avais écouté mais ne m’étais pas indigné. J’avais assisté
à tant de massacres, vu la mer devenir rouge à Lépante, les corps des morts
cachant l’écume des vagues, que ce que l’on me décrivait là m’avait paru de
simples escarmouches.
    La vraie guerre était celle que nous avions livrée contre
les infidèles, le reste n’était que querelles de famille.
    Michele Spriano m’avait certes mis en garde, mais comment
aurais-je pu l’écouter alors qu’à chaque pas je reconnaissais les paysages, les
parfums, les chemins de mon enfance ?
    J’avais rêvé, vécu dans l’illusion. Je n’accédais pas aux
rivages du paradis mais m’enfonçais dans la forêt obscure. Peut-être même
n’avais-je pas encore atteint le cœur du royaume de Lucifer, là où l’Ange déchu
broie et dévore les traîtres, les Judas, Brutus, Cassius…
    Que Dieu y ajoute Guillaume de Thorenc, mon frère !
     
    L’épée à demi tirée du fourreau, le plus grand des hommes en
noir a fait un pas en avant.
    Je connaissais ce regard-là, yeux de pierre froide mais à
l’éclat d’acier. C’était le même que celui de Dragut-le-Brûlé, le Cruel, le Débauché.
C’était celui des bourreaux. Celui de don Garcia Luis de Cordoza, capitaine
général de Grenade. Celui de tous les tueurs, quelques vêtements qu’ils
portent, quelque Dieu qu’ils prient, tous renégats de la bonté, de la pitié et
de la compassion.
    Je sais que mes yeux ont brillé du même éclat quand j’ai
tué.
    Et sans doute, face à cet homme en noir, l’ai-je retrouvé,
d’autant plus intense que, peu à peu, à ma colère et à mon émotion se mêlaient
l’amertume et la déception.
    Moi aussi j’ai tiré sur mon épée, en exhibant la lame.
    L’homme m’a salué, inclinant à peine la tête, gardant son
chapeau enfoncé jusqu’aux sourcils.
    Il se dénommait Jean-Baptiste Colliard, dit-il d’un ton
arrogant, capitaine des gardes du Castellaras de la Tour, au service du comte
Guillaume de Thorenc. Il avait ordre de ne laisser personne pénétrer dans le
château.
    — Personne, a-t-il répété.
    Puis, d’un ton dédaigneux, il a ajouté :
    — Il faut passer son chemin.
    Michele Spriano s’est avancé et s’est placé entre nous deux,
expliquant au capitaine des gardes qui j’étais. L’homme a paru un instant
troublé. Les gardes maintenant nous entouraient.
    — Que voulez-vous ? a-t-il bougonné.
    Il s’est encore approché.
    — Ici, a-t-il poursuivi, c’est toujours la guerre. Les
papistes de la Grande Forteresse de Mons refusent d’appliquer le traité de paix
de Saint-Germain que le comte de Thorenc nous a demandé de respecter. Le
Castellaras de la Tour est à nous, ainsi que tous les villages du fief. Nous
prions comme nous l’entendons : en français, et nous lisons la Bible
plutôt que ces prières à une femme que l’on dit vierge et qui ne l’est pas plus
que moi !
    Il s’est esclaffé et m’a dévisagé avec mépris avant de
reprendre :
    — J’ai entendu le comte de Thorenc dire que son frère
s’était fait espagnol, par haine de la vraie foi, et qu’il avait renié son
royaume, trahi son père et toute sa famille. Êtes-vous celui-là ?
    Je n’avais pas bondi sur le pont de la galère la Sultane ,
je ne m’étais pas frayé un chemin à coups de hache et d’épée pour accepter
qu’un huguenot m’insulte dans la cour de notre demeure.
    J’ai tiré l’épée avant lui. J’en ai placé la pointe sur sa
gorge.
    J’ai crié que si l’un des gardes esquivait le moindre geste
j’égorgerais leur capitaine. J’en aurais le temps avant que d’être tué, n’est-ce
pas ?
    — Qu’on s’écarte ! a dit d’une voix étranglée
Jean-Baptiste Colliard.
    Les gardes ont reculé.
    — Partons, a murmuré Michele
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