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Paris vaut bien une messe

Paris vaut bien une messe

Titel: Paris vaut bien une messe
Autoren: Max Gallo
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m’avait paru plus juste.
    J’ai aussi connu Keller, un mercenaire suisse, l’espion de
Diego de Sarmiento à l’hôtel de Ponthieu, demeure de l’amiral de Coligny.
    Autant le Suisse était silencieux, autant l’Italien Luigi
Bianchi était bavard. Ce « parfumeur », autant dire cet empoisonneur,
ne venait à l’hôtel d’Espagne que pour renseigner Catherine de Médicis.
    — Je le sais, m’avait précisé Sarmiento. Et il sait que
je le tuerai s’il livre à la reine mère le moindre vrai secret. Et, comme je le
paie mieux, il espionne pour moi celle qui l’envoie ici m’espionner.
    Sarmiento ricanait, ses lèvres retroussées montrant ses
dents de carnassier. Il aimait à se mêler à cette meute qu’il excitait et
retenait tour à tour, la nourrissant d’or et de promesses, l’assurant qu’un
jour proche il faudrait qu’elle tue, qu’elle nettoie Paris de tous ces nobliaux
huguenots que la province déversait sur les bords de la Seine.
    — Le diable est dans la tête de ces hérétiques !
lançait-il. On leur tranchera donc le cou.
    Ces spadassins qui se nommaient Maraval, Lachenières,
Guitard, Ruquier, Demouchy, et qui étaient les hommes liges de Maurevert,
approuvaient, faisant glisser leur lame dans son fourreau. Ils inclinaient la
tête : ils étaient prêts.
    J’imaginais déjà leurs mains crispées sur la cognée.
     
    L’un des premiers coups, ils l’assenèrent à la fin du mois
de décembre 1571.
    Ce jour-là – sans doute le 20 du mois, une année avant
le massacre – le froid était si vif que la Seine charriait des blocs de
glace qui s’agglutinaient contre les piliers du pont Notre-Dame.
    Je le traversais pour me rendre à l’hôtel d’Espagne.
    J’entendis des cris, des chants, cette rumeur que font les
gens de rien quand ils se coalisent et se transforment en horde barbare.
    Je la vis s’avancer, et, autour d’elle, comme des piqueurs
poussant leurs bêtes, je reconnus plusieurs des « hommes sombres »,
non pas Keller, Bianchi ni Maurevert, mais leurs spadassins, leurs hommes des
basses œuvres.
    À la tête du cortège marchait le père Veron.
     
    Lui aussi, je l’avais vu ces jours derniers entrer à l’hôtel
d’Espagne.
    Chauve, le visage émacié, les yeux profondément enfoncés
dans les orbites, il était plus grand que Maurevert et, au contraire de ce
dernier, se tenait très droit comme s’il avait voulu que tout le monde le vît,
pareil à une figure de proue.
    La veille au soir, je m’en souvenais en le voyant bras levés
au premier rang de cette foule, il m’avait heurté sur le perron de l’hôtel
d’Espagne. Il avait paru ne pas même s’en rendre compte, tout à marmonner et à
descendre à grands pas les marches donnant sur la cour.
    Il était là, criant qu’il fallait que les hommes qui
suivaient Dieu sortissent leurs longs couteaux pour faire justice, tuer ces
loups d’hérétiques devant lesquels le roi lui-même – qu’il prenne
garde ! – venait de s’agenouiller, lui, le Très Chrétien, en
accordant à Coligny, à Thorenc, à cette vermine huguenote ce qu’elle
demandait : la destruction de la Croix de Gastine, « notre Croix,
celle qui dit que la justice de Dieu est passée, que les corps impies ont été
châtiés ! ».
    Peu après, j’ai aperçu Maurevert, qui suivait à distance le
cortège, entouré de quelques « hommes sombres » que je ne connaissais
pas.
    Rue Saint-Denis, au n° 29, la pyramide et la croix de
pierre avaient disparu, sans doute détruites durant la nuit sur ordre du roi,
en exécution d’une clause du traité de paix de Saint-Germain conclu avec les
huguenots.
    Mais le peuple des gens de rien, mené par le père Veron et
les tueurs à gages de Sarmiento, hurlait sa colère, s’indignant que le roi eût
ainsi capitulé devant les hérétiques.
    Sarmiento un jour m’avait dit :
    — Charles IX et même Catherine de Médicis s’imaginent
qu’ils vont pouvoir régner en paix parce qu’ils cèdent aux huguenots. Ils ne
connaissent pas ces hérétiques ! Coligny endort la méfiance de Charles,
promet à Catherine que va s’établir, grâce à elle et à son fils, un règne
d’amour ! Et la reine mère fait comme si c’était possible. Le croit-elle
vraiment ?
    Il avait secoué la tête et ri silencieusement.
    — Une Italienne aussi rouée peut-elle être encore à ce
point naïve ?
     
    J’ai suivi le cortège.
    J’ai vu les « hommes sombres » pousser la
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