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Paris Ma Bonne Ville

Paris Ma Bonne Ville

Titel: Paris Ma Bonne Ville
Autoren: Robert Merle
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déjà à demi-mot que le mariage de Margot et de Navarre,
pour détestable qu’il fût, avait créé un précédent.
    Mais je
n’avais, moi, de pensement que pour Angelina, à qui, dès Saint-Cloud, j’avais
écrit – et sur le conseil de Quéribus sans toucher mot ni miette de mes
aventures – puisqu’il allait sans dire que de ce côté-là aussi, on devait
me croire protégé. Cette lettre était découragée assez dès le principe, puisque
je ne cuidais pas que la tyrannie paternelle pût la laisser passer, mais la
bonne heure m’échut : elle fut remise en mains propres, lesquelles mains
chéries incontinent m’écrivant, confièrent la réponse au messager. La voici, en
sa toute féminine vaillance et suavité.
     
    « Monsieur,
    « J’ai
été excessivement confortée d’apprendre par votre main que vous aviez sailli
sain et gaillard du grand massacre de Paris, mais à parler à langue déclose, si
je vous avais cru en mortel péril, mon cœur me l’aurait dit assez et je ne sais
pourquoi, il me donnait à croire que vous étiez déjà sauf derrière les murs de
Mespech.
    « Le
messager ne pouvant délayer céans, j’écris ceci en fort grande hâte et ne peux
que ne vous fasse un conte très bref, depuis la minute où je vous vis courant
au côté de cette méchante coche qui loin de vous m’emportait, jusqu’au moment
présent.
    « C’en
est bien fini de M. de la Condomine. À force de silences farouches, de
froidureuse épaule, de mine sourcilleuse et de regards infiniment déprisants,
j’ai créé l’enfer pour lui en cette coche – et si cramant que ce grand
fat, s’y brûlant la moustache, nous a quittés à Lyon, pour s’aller, je gage,
rafraîchir dans la rivière de Rhône. Et fasse la benoîte Vierge qu’il s’y noie,
car à la vérité, je ne pouvais l’envisager, sans que le cœur me raquât, tant je
le trouvai peu ragoûtant à le comparer à vous.
    « Je vous
laisse à penser les fureurs de M. de Montcalm et le couvent à nouveau brandi,
mais il n’en sera rien. La merci Dieu, mon père est trop raffolé de moi. Et
pour moi, tout rebours qu’il soit à mes desseins, je l’aime infiniment pour ce
qu’il est à moi tant affectionné. Et encore que votre nom soit de présent au
logis tout à plein imprononçable, je ne voudrais pas que vous le jugiez à mal,
car il est fort homme de bien, tout opiniâtre que Dieu l’ait fait.
    « La
lettre du Baron de Quéribus, peignant votre faveur au Louvre, a achevé de vous
gagner les bonnes grâces de ma mère, laquelle jusque-là oscillait assez, mais
M. de Montcalm n’a pas branlé prou, étant terrifié de son directeur, lequel lui
représente l’Enfer ouvert incontinent sous ses pas si sa fille marie un
hérétique. Ma mère opine qu’il faudrait que M. de Montcalm change de
confesseur, ou que le Ciel rappelle ce dernier à lui, ce qui peut-être se fera,
il est si zélé et si vieux. Ma mère est apensée que le frère Anselme, qui vous
aime prou pour avoir combattu avec vous les caïmans de Barbentane, serait
assurément moins imployable.
    « Monsieur,
le messager s’impatiente et il me faut finir. Je vous prie, ne me jugez pas de
ma complexion revêche et rebiquée sur le sus de mes rebuffades à ce grand fat
de prétendant, pour ce que je n’ai été cruelle que de force forcée et pour
l’amour de vous. Quant à ce mot que voilà, il est lâché. Je ne l’eusse pas
voulu écrire mais puisqu’il est dit, je ne le dédirai point.
    « M. de
Montcalm en ses courroux m’a laissé entendre qu’en Montpellier vous étiez assez
famé pour courir le cotillon et qu’on vous y a prêté une intrigue avec une
haute dame. Mais à la vérité, si cette dame est celle qu’il a dit, je ne le
crois pas. Elle pourrait être quasiment ma mère et vous seriez un bien étrange
gentilhomme si, m’aimant comme vous en faites profession, vous aviez appétit à
ces frimas.
    « Enfin,
pour revenir à mon père et à nos desseins auxquels il est si contraire, je ne
peux que m’en remettre à la grâce de Dieu et prier pour notre conjonction, dans
l’espérance de laquelle je vous prie de me croire, Monsieur, votre fidèle et
affectionnée servante.
    « Angelina. »
     
    Cette lettre
me rendit mon Angelina si présente qu’à peu que je ne rêvasse, en tenant sa
lettre, la tenir de sa personne en mes bras amoureux. Hélas, le prétendant
défait, rien n’était fait encore ! Elle demeurait à Barbentane tout
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