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Par le sang versé

Par le sang versé

Titel: Par le sang versé
Autoren: Paul Bonnecarrère
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bourré du matin au soir. »
     
    Vers quinze heures, les légionnaires ont déjà parcouru un tiers du chemin du retour, mais la marche leur semble plus pé nible qu’à l’aller. Ils sont alourdis par le repas et la bière, et la chaleur est devenue presque intolérable.
    La patrouille parvient à l’endroit où la piste longe un bourbier marécageux. Sur leur gauche la densité de la forêt rend la jungle insondable ; à droite quelques banians émergent du marécage – sorte de figuiers géants dont les branches paresseuses tombent mollement dans l’eau glauque.
    L’écho créé par le premier coup de feu vibre encore quand, d’un bond gigantesque, le sergent Roch se jette à l’abri d’un banian, soulevant une flaque de boue dans le marais. Instinctivement les hommes l’imitent, leur surprise n’a duré qu’une fraction de seconde. Lucien Mahé, le petit Français de seize ans, est resté sur la piste, gisant les bras en croix, il a été tué sur le coup d’une balle dans la tempe. Autour des cinq survivants tout semble calme ; c’est devant eux que le tir se déclenche sur la patrouille de la Coloniale qui les précédait.
    La voix de Roch est restée paisible. Il parle juste assez fort pour être entendu des quatre légionnaires tapis derrière leurs arbres :
    « On remonte par le marécage par sauts de dix mètres, en se planquant derrière les arbres. Les viets sont de l’autre côté dans la forêt, deux F. M. en batterie à chaque arrêt. Il faut essayer de dégager les Coloniaux. – Compris, jette Kraatz. On vous suit. » Au troisième bond, le groupe est repéré et « allumé » par les viets. L’ennemi se révèle beaucoup plus nombreux que ne l’avait pensé Roch. Son tir est précis et efficace. Les légionnaires ne peuvent pas bouger de l’abri que forment pour eux les troncs énormes des banians. Un peu au hasard chacun d’eux lance deux grenades dans la forêt de l’autre côté de la piste.
    Trois ou quatre grenades font du dégât ; elles obligent les viets à se découvrir, et aussitôt les deux fusils mitrailleurs se mettent à cracher. Plusieurs viets sont atteints.
    Roch se retourne pour situer ses hommes. Kreur et Kraatz sont réfugiés derrière le même banian, ils ont un F. M. et un pis tolet mitrailleur. Trois ou quatre mètres sur leur gauche, un peu en retrait, Hampe sert le second F. M. Pazut a disparu.
    Pendant un instant les viets cessent leur tir, cherchant sans doute à user les nerfs des légionnaires et à les amener à commettre une faute, puis brusquement, contre toute logique, quatre d’entre eux se précipitent à l’assaut en criant. Roch en abat deux sur la piste au pistolet mitrailleur, et s’aperçoit étonné que les deux autres sont également tombés foudroyés. Pourtant ils ne se trouvent pas dans la ligne de tir des trois légionnaires qu’il a situés derrière lui.
    De nouveau c’est l’accalmie. Roch se retourne une fois de plus et comprend que Pazut a trouvé un refuge dans un buisson formé d’un fouillis verdoyant d’aréquiers nains, à peine à cinq mètres en retrait sur sa droite. Sans quitter la piste et la forêt des yeux, le doigt sur la détente de son pistolet mitrailleur, Roch se met à parler à voix basse mais en prenant soin d’articuler tous ses mots.
    « Pazut, je crois que j’ai repéré ta planque. Si tu m’entends, réponds juste un mot.
    –  J’entends bien, chef, répond instantanément Pazut qui se trouve à l’endroit précis où Roch l’avait situé.
    –  Gut ! Tu restes où tu es. Tu ne me réponds pas, tu ne bouges plus, tu ne tires plus.
    –  Mais… interrompt Pazut.
    –  Ta gueule ! J’ai dit : pas un mot. Je pense qu’ils ne t’ont pas repéré. Tu t’étouffes, c’est un ordre. Tu m’entends : un ordre. »
    Cette fois Pazut ne répond pas.
    Kreur et Kraatz ont entendu le monologue du sergent. Ils ont compris. Ils sont un peu plus éloignés de Roch ; pour se faire entendre, ils sont obligés de parler un peu plus fort.
    « On est foutus, chef ? lance Kraatz.
    –  Ta gueule. Tu verras bien. »
    Roch sait que son groupe est perdu. Il estime les agresseurs à une centaine au moins. Le silence revenu en avant laisse présumer l’anéantissement de la patrouille de la Coloniale qui progressait en tête. En transmettant ses ordres à Pazut, il vient une dernière fois d’appliquer à la lettre le règlement de la Légion : préserver dans la mesure du possible
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