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Par le sang versé

Par le sang versé

Titel: Par le sang versé
Autoren: Paul Bonnecarrère
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à remonter à bord. Aucun n’a le moindre mouvement d’animosité à son égard. Épuisé, vaincu, le légionnaire va s’asseoir à l’arrière de l’embarcation.
    Lorsque, quelques instants plus tard, Krugger prend pied sur le pont, le colonel Lehur lui assène une gifle d’une telle violence qu’il est projeté par terre. Autour d’eux des rires nerveux éclatent. L’incident est momentanément clos. Les trois fugitifs sont mis aux fers. Le colonel Lehur a simplement déclaré qu’il aviserait.
    En pénétrant dans sa cabine, Klauss trouve Bianchini souriant, allongé sur sa couchette. La veilleuse est allumée et il fume tranquillement un petit cigare hollandais.
    « Tu as vu ? questionne Klauss.
    –  Oui, par le hublot. Il les a foutument fait gicler, les Hollandais.
    –  Pas si malin que ça, constate Klauss. Les types ne s’y attendaient pas. Et puis, c’est pas leur boulot. Leur boulot, c’est la marine. Et ça, ils l’ont fait proprement. On ne peut pas repro cher à des spécialistes de ne pas être brillants en dehors de leur spécialité.
    –  Krugger ne s’est pas mal défendu dans la sienne.
    –  Grotesque, tranche Klauss. Notre spécialité, c’est la discipline, pas la bagarre de beuglant.
    –  Au fait, d’où sort-il ce Krugger ?
    –  Je n’en sais pas beaucoup plus que toi. De l’armée allemande certainement. Il est arrivé à Bel-Abbès, il y a deux mois. Sans doute un soldat de métier. Je mettrais ma main au feu qu’il était officier.
    –  En tout cas, il va déguster. »
    Le 21 avril à neuf heures du matin, le lieutenant Mattei se présente dans la cabine du colonel Lehur. Il tient à la main la feuille dactylographiée qui constitue le dossier du légionnaire Rudolf Krugger. Le colonel y jette un bref regard.
    « Vous en savez davantage, je suppose ? questionne-t-il.
    –  Oui, mon colonel. Krugger est un ex-lieutenant de la Wehrmacht. Croix de fer. Multiples citations. Évadé d’un camp de prisonniers américain de la région de Munich l’année dernière. À gagné l’Algérie par l’Autriche, l’Italie, la Tunisie, apparemment seul. Sa mère était d’origine australienne. Il a de la famille à Sydney. Je suppose que le but de sa tentative d’hier était de gagner l’Australie. Sinon il aurait déserté à Port-Saïd comme tout le monde.
    –  Et les deux autres ?
    –  Sans intérêt. Ils ont été probablement entraînés par Krugger. Il devait compter sur eux pour créer une diversion.
    –  C’est bon, Mattei. Faites monter Krugger. » Le lieutenant Mattei est un petit Corse courtaud et trapu, à la nuque de buffle. De la tête aux pieds, tout est carré, taillé à coups de hache. Il sort de la cabine sans répondre. À pas lents il se dirige vers la cale où se trouvent les quartiers disciplinaires du bord.
    Deux hommes gardent l’entrée de la cellule improvisée : un marin hollandais et un légionnaire. À l’arrivée de Mattei, le légionnaire se fige dans un garde-à-vous spectaculaire qui surprend le marin. Par réflexe, il se redresse gauchement.
    Les trois déserteurs sont assis sur un banc. Krugger est toujours en slip, les deux autres sont vêtus de leur pantalon et de leur chemise encore humides. Mattei les dévisage un instant, sans un mot, puis il se tourne vers la sentinelle.
    « Va me chercher une tenue pour le grand et ramène-lui aussi de quoi se raser. »
    Quelques instants plus tard Krugger est prêt. Pendant qu’il se rasait et s’habillait, Mattei n’a pas prononcé une seule parole. Au moment où le légionnaire ajustait le dernier bouton de sa chemise, le lieutenant lui dit simplement : « C’est bon. Suis-moi. »
    L’un des deux déserteurs se lève alors timidement. « Mon lieutenant. Vous ne voulez pas rassurer Péjou ? Il pense qu’on va nous fusiller. » Mattei hausse les épaules.
    « Sûrement pas à bord d’un bateau. Tout ce que vous risquez, c’est qu’on vous pende. »
     
    Dans la cabine du colonel, Krugger se tient au garde-à-vous, immobile depuis plusieurs minutes. Lehur consulte des dossiers, affectant d’ignorer la présence du soldat auquel il n’a pas ordonné le repos. Assis sur le bras d’un fauteuil, Mattei attend lui aussi. Enfin Lehur lève les yeux vers le légionnaire figé : « Alors, si je comprends bien, tu as pris la Légion étrangère pour une agence de voyages ? »
    Krugger ne répond pas. Il demeure immobile.
    « Je vais te dire une chose,
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