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Par le sang versé

Par le sang versé

Titel: Par le sang versé
Autoren: Paul Bonnecarrère
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un déluge de plomb ? Le dôme du poste a-t-il résisté à cet enfer ? Le capitaine a-t-il sauvé ses amis ou les a-t-il massacrés ?
    Mattei saute dans sa jeep, accompagné de Klauss, Clary et Fernandez. Derrière, suit un Dodge six roues. Osling est au volant, un seul légionnaire à ses côtés.
    Depuis Na-Cham, la R. C. 4 serpente. Au kilomètre 5, il y a un léger creux, puis la route remonte sur deux kilomètres vers le sommet, vers Bo-Cuong.
    Avant de s’engager dans le creux, Mattei fait stopper le convoi. De l’endroit où il se trouve, il distingue parfaitement le poste. S’il reste un survivant, il doit l’apercevoir. Il scrute à la jumelle. Constate que le toit semble avoir tenu. Puis, brusquement, c’est le miracle !
    Un homme sort et agite un drapeau français attaché au canon d’un fusil. Il ne reste au capitaine qu’à foncer contre toute prudence. En seconde, moteur emballé, les deux véhicules plongent dans le creux. Puis gravissent la pente. Malgré leur repli, les viets ne sont sûrement pas loin. Seules la rapidité d’exécution et la surprise peuvent faire réussir l’entreprise.
    À cent mètres, il n’est plus possible d’approcher. La route est défoncée par les obus qui ont creusé de profonds entonnoirs. Jaluzot et ses hommes le savent car ils sortent tous du poste en courant et se précipitent vers leurs sauveurs. Comme des fous, ils sautent dans le Dodge, s’accrochent à la jeep, tandis que les deux véhicules repartent en marche arrière. Ils parviennent à faire demi-tour dans le creux et reprennent à toute vitesse la route de Na-Cham. Il ne manque pas un homme. Tous, sans exception, sont blessés. Pas un seul grièvement.
    Jaluzot, hagard, a pris place au côté de Mattei. Il n’a reçu qu’un éclat superficiel dans la joue, mais il est choqué, halluciné, étranger à tout. Il fixe devant lui la route qui défile sans sembler la voir. Mattei cherche, par quelques mots, à secouer son ami ; enfin, il comprend : le lieutenant est complètement sourd.
    À Na-Cham, Jaluzot met six heures avant de retrouver son contrôle. Ses premiers mots sont pour Mattei qui ne l’a pas quitté :
    « J’ai mis une bonne heure avant de me rendre compte que c’était toi qui tirais ! Je suis vraiment con. »‘
    Mattei s’apprête à répondre. Jaluzot l’arrête, lui fait signe qu’il n’entend toujours pas.
    Le capitaine écrit sur un bout de papier :
    « Osling t’a examiné, tes tympans sont intacts, c’est une question de quelques heures. »
    –  Ah ! Bon, tant mieux, je ne m’entends même pas parler. »
    « J’admets que ça a dû faire du bruit », écrit Mattei.
    Jaluzot hoche la tête à plusieurs reprises et agite son bras en signe d’assentiment.
    Vers seize heures, Jaluzot a recouvré partiellement sa réception auditive. Mais Mattei le considère encore trop ébranlé pour lui confier une responsabilité dans les nouveaux combats qui se préparent. Malgré les protestations du lieutenant, Mattei lui ordonne de ne pas quitter l’infirmerie.
    Osling qui vient d’examiner les rescapés de Bo-Cuong fait un rapport au capitaine.
    « La plupart d’entre eux tiendront le coup, mais pour trois ou quatre, ce sera grave et long. Il va falloir les évacuer en service neuropsychiatrique dès que possible.
    –  Vous plaisantez, Osling ! Nous allons avoir des centaines de blessés et de mourants à évacuer en priorité ! Nous n’avons pas le temps de nous apitoyer sur des hommes dont les nerfs craquent pour un peu de bruit.
    –  Par moments, mon capitaine, je vous trouve superbe. Les types dont je vous parle risquent de ne jamais s’en remettre, de rester fous toute leur vie, « pour un peu de bruit », comme vous dites ! J’aurais voulu vous y voir.
    –  Je ne me prends pas pour un surhomme, Osling, mais je pense sincèrement qu’à leur place, j’aurais compris. Réalisant l’absence de danger, je me serais tranquillement allongé et j’aurais dormi. »
    Un long moment, Osling dévisage Mattei, puis il conclut :
    « Ce qu’il y a de plus fort là-dedans, mon capitaine, c’est que vraisemblablement vous l’auriez fait… »

42.
     
     
     
    N A -C HAM , 10 octobre. Le poste tient toujours. Pendant les trois jours qui ont suivi le coup d’arrêt qu’il a donné aux viets à Bo-Cuong, Mattei n’a pas changé son dispositif. Son artillerie dans les calcaires prévient toute manœuvre viet sur dix kilomètres de la R. C.
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