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Par le sang versé

Par le sang versé

Titel: Par le sang versé
Autoren: Paul Bonnecarrère
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désastre. Pendant que les colonnes Charton agonisent dans les calcaires de Coc-Xa, les viets frappent au sud. That-Khé, Na-Cham sont attaqués à leur tour. Toute la R. C. 4 paraît perdue. C’est une question de jours, peut-être d’heures.
    L’ordre est alors donné d’évacuer la vieille route coloniale où tant de sang a été versé. On essaiera de tenir That-Khé jusqu’au 10 octobre. La ville servira de havre aux survivants des massacres. Ensuite tout le monde se repliera sur Lang-Son.
    Deux compagnies de Légion occupent That-Khé. Pour leur permettre de résister encore quatre jours, on leur largue en renfort des éléments du 3 e bataillon de parachutistes coloniaux. Les paras ont reçu des ordres formels : ils ne doivent en aucun cas chercher à se porter au secours des colonnes sacrifiées, ils doivent se contenter de recueillir les survivants qui auront la chance de pouvoir se traîner jusqu’à eux. Ensuite, la mission de cette troupe fraîche consistera à boucler le repli en protégeant les arrières.
    Encore une fois, c’est simple et logique ; encore une fois, c’est irréalisable ; les viets ne sont pas seulement devant That-Khé, ils sont derrière, ils sont partout. Le général Giap dédaigne That-Khé comme il a dédaigné Cao-Bang. Il va de nouveau frapper au centre. Il veut couper la R. C. entre That-Khé et Lang-Son.
    Pour cela, Giap doit prendre Na-Cham ; il lui faut surtout Bo-Cuong, le poste nain qui tient le col de Lung-Vaï. Tant que la poignée de légionnaires qui l’occupent ne seront pas délogés, le col restera franchissable pour les rescapés. En revanche, si le Viet-minh parvient à s’en emparer, le repli vers Lang-Son ne sera même plus envisageable et le bataillon de parachutistes co loniaux que l’on vient de larguer sur That-Khé ne représentera, pour les viets, qu’une victime supplémentaire.
    Pour le général viet qui a conquis la citadelle de Dong-Khé, anéanti le B. E. P., massacré le 3 e bataillon du 3 e Étranger de Charton, détruit les Marocains de Lepage, le petit blockhaus à ras du sol paraît une proie bien dérisoire. Mais ce que Giap ignore, c’est qu’il va devoir affronter un officier de Légion qui, depuis le mois d’août, a prévu ses mouvements. Un capitaine corse qui, imitant sa propre tactique, a hissé son artillerie dans les montagnes. Un baroudeur individualiste qui depuis six jours capte tous les échanges radio entre Lang-Son, Charton, Lepage et That-Khé, mais dont l’oreille ne devient inattentive que lorsque les messages lui sont destinés. Cette fois pourtant, Antoine Mattei n’aura même pas à faire le sourd : on l’a oublié, il est libre de ses mouvements, il va en profiter.
     
    Dans cette soirée du 6 octobre, le capitaine Mattei a renoncé à suivre, dans son central-radio, le déroulement des événements. Sa conviction est faite : du côté français c’est la pagaille, l’affolement, le sauve-qui-peut. En revanche, chez les viets, c’est l’organisation, l’exécution systématique d’un plan efficace.
    Ce n’est donc pas dans la peau du commandement français que doit chercher à se placer le capitaine. C’est dans celle des dirigeants rebelles. Et pour lui, qui connaît si bien son ennemi et ses réactions, c’est aisément réalisable : le seul contact radio qui l’intéresse désormais est-celui qu’il a établi avec Jaluzot, enfermé, avec ses douze légionnaires et ses quinze partisans, dans son poste-terrier de Bo-Cuong.
    À dix-huit heures, Jaluzot annonce :
    « J’ai décelé des mouvements, ils sont certainement là, en train de se grouper autour de nous.
    –  M’en doute pas, Jaluzot, ils doivent prendre ton poste, même s’ils savent que ça leur coûtera un bataillon entier. Ils vont le tenter. Ne relâche pas ta vigilance, ils vont sans aucun doute t’attaquer dans la nuit. Les deux gus de la mitrailleuse que j’ai fait placer dans les calcaires sont prévenus ; leur grotte est imprenable. Je ne peux rien faire de plus. T’ordonner d’évacuer serait un crime. Il y a toute la garnison de That-Khé et des milliers de civils qui vont devoir passer. Si les viets prennent ton poste, ils bloquent le col et c’est foutu !
    –  Je le sais, mon capitaine, mais nous ne sommes que vingt-cinq.
    –  Tu dois tenir, Jaluzot ! Jusqu’à la limite ! Les retarder le plus longtemps possible ! Des milliers de vies humaines sont entre tes mains.
    –  Compris ! On reprend
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