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Par le sang versé

Par le sang versé

Titel: Par le sang versé
Autoren: Paul Bonnecarrère
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la R. C. 4 de Cao-Bang à Lang-Son est porté sur tous les rapports à la date du 11 octobre 1950. En réalité, le capitaine Mattei, sa 2 e compagnie et ses disciplinaires sénégalais, ont tenu Na-Cham trois jours de plus, jusqu’au 14 octobre.
     
    Le 14, le feu cesse. Sur l’ordre de Mattei les survivants se regroupent dans le village. Le capitaine ignore si l’ennemi a décroché ou s’il a seulement interrompu son tir. Mais il n’en peut plus, il est à bout de forces. Il n’a pas fermé l’œil depuis quatre jours. Aucun de ses hommes non plus. Ils sont tous dans un état second, ils s’affalent sur la place, près de la chapelle ; en tout il ne reste que deux cents hommes valides. Le seul civil qui soit demeuré parmi eux est le père Mangin. Il est aussi le moins éprouvé, il lui reste la force de parler et de marcher. Il s’ap proche de Mattei qui s’est effondré, la tête appuyée sur un tube de mortier.
    « Capitaine, votre combat est fini.
    –  Nous sommes tous finis, mon père.
    –  Si les viets descendent des montagnes cette nuit, ils nous exterminent.
    –  Sans aucune difficulté, nous n’avons plus de munitions, et en aurions-nous qu’il ne nous resterait pas la force de recharger nos armes.
    –  Dans ce cas, je vous propose de remettre notre sort à tous entre les mains de Dieu. À minuit, ce sera la Sainte-Thérése, autorisez-moi à illuminer la chapelle en son honneur.
    –  Illuminez tout ce que vous voudrez, mon père, mais foutez-moi la paix et laissez-moi dormir. »
    Il y a des centaines de cierges dans la chapelle. Pendant plus de deux heures, le père Mangin s’occupe à les disposer à l’intérieur et à l’extérieur. L’illumination qui dure toute la nuit doit se remarquer dans un rayon de plusieurs kilomètres. Autour, les hommes dorment. Ils se foutent de tout, du curé, de ses cierges, de vivre -ou de mourir, de la guerre, du Viet-minh, du courage, de la défaite, de l’avenir… Ils dorment comme des masses inertes tandis que seul dans sa chapelle, au centre des étincelants flambeaux, le père Mangin prie pour eux.
     
    De la nuit entière il ne se passe rien. Et à l’aube lorsque les premiers hommes sont tirés de leur sommeil par la lueur du jour, le calme est toujours absolu. Quelques cierges achèvent de se consumer, de faibles flammes dansent encore sur des blocs de cire fondue.
    Mattei a puisé dans son sommeil des forces nouvelles, il réveille les sous-officiers.
    « Tout le monde debout ! On fout le camp ! Maintenant, c’est notre tour. »
    Une demi-heure plus tard, une colonne s’est formée, elle quitte Na-Cham. Les hommes qui se traînent sans conviction provoquent chez Mattei un violent réflexe d’indignation :
    « Klauss ! En ordre, la colonne ! Et au pas jusqu’à Lang-Son ! Que personne n’oublie que nous, nous ne sommes pas des vaincus. »
    Et la longue marche commence sur la R. C. 4 abandonnée. En ordre, comme l’a voulu Mattei, les restes de la 2 e compagnie progressent à l’allure lente et lourde de la Légion étrangère. Derrière eux, instinctivement, les survivants des disciplinaires sénégalais trouvent et adoptent la même cadence.
    La colonne traverse Dong-Dang sans rencontrer une âme, et le 15 octobre à 19 heures, elle pénètre dans Lang-Son.
     
    Mattei croyait trouver une ville dans laquelle on se préparait à repousser l’ennemi, sur laquelle on avait reporté tous les espoirs. Dans la Haute-Région, depuis le 3 octobre, c’était la défaite ; le 15, à Lang-Son, c’est la honte.
    Tout est intact mais tout est désert. Des cent mille habitants il ne reste que quelques attardés. Il reste aussi le P. C. Constans et sa « Garde Royale ». Le colonel a voulu partir le dernier. Mattei renonce à le voir. Il installe ses hommes et traîne avec « sa bande » dans la cité qui, dans quelques jours, tombera sans combattre, entre les mains de l’ennemi auquel elle ouvrira les portes du Tonkin.
    Mattei rencontre Burgens. Le sergent-major lui aussi a prévu les événements ; il a stocké tous les cadenas de la ville, il en a fait venir d’Hanoï, il vient de les revendre à prix d’or à tous les fuyards qui désiraient boucler leur cantine.
    Au milieu de cette détresse, Mattei ne connaîtra qu’une joie : apprendre que parmi les douze rescapés du B. E. P., se trouve le capitaine Jeanpierre.
    Le 16 octobre, Mattei reprendra le chemin de la sécurité provisoire, la route vers Hanoï.
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