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Nos ancêtres les Gaulois et autres fadaises

Nos ancêtres les Gaulois et autres fadaises

Titel: Nos ancêtres les Gaulois et autres fadaises
Autoren: Reynaert
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seul grand ancêtre compte : Clovis, le chef barbare qui, au v e  siècle, a réussi avec ses Francs à balayer les décombres de l’Empire romain et à dominer la moitié de l’Europe occidentale. On le verra plus loin, la plupart des rois de France sont des Capétiens – c’est-à-dire qu’ils appartiennent à la descendance d’Hugues Capet –, ils n’ont aucun lien de sang avec la dynastie fondée par le roi franc, les Mérovingiens. On verra aussi bientôt que Clovis était un roi franc, et contrairement à ce que l’on pense trop souvent encore, cela n’en fait pas pour autant un roi de France. Peu importe, dans la symbolique du pouvoir, il a un intérêt majeur : il est le premier des envahisseurs barbares à avoir été baptisé selon le rite catholique, c’est bien la preuve que Dieu l’a choisi, non ? Il l’a été à Reims, et c’est en souvenir de ce baptême que la plupart de nos rois iront s’y faire sacrer.
    Au moment de la Révolution française, par réaction en quelque sorte à cette vision de l’origine du pays, une autre va prendre de l’ampleur. Les rois continuent à se prévaloir du Mérovingien et les aristocrates qui les entourent en viennent à justifier leur domination sur le pays en se présentant comme les descendants de ses guerriers. Les Francs, disent-ils en substance, ont conquis ce pays mille quatre cents ans plus tôt, c’est au nom de leur victoire que nous avons le droit éternel de régner sur cette terre. Le raisonnement est absurde : personne n’est en mesure de faire remonter si loin un arbre généalogique. Il est surtout devenu moralement insupportable. Et cela les perdra : vous êtes les descendants de guerriers qui ont envahi ce pays, disent bientôt les partisans du tiers état, eh bien nous, nous sommes les descendants du peuple qui était là alors, et cette fois, vous verrez de quel bois on se chauffe. À propos, qui était sur notre territoire lorsque les fameux Francs sont arrivés ? Les Gaulois ? Et comment s’appelait le pays en ces temps-là ? La Gaule. Eh bien, les voilà enfin les ancêtres qu’il nous fallait.

    Le retour du héros oublié
    Je simplifie, mais à peine. Cherchez dans les bibliothèques et vous le constaterez. Bien peu de gens, avant le xix e  siècle, avaient eu l’idée de s’intéresser à un peuple dont la plus grande masse n’avait jusque-là pas la moindre idée. Au moment de la Renaissance, l’Europe entière s’était prise de passion pour l’antiquité gréco-latine. Partout en France, comme ailleurs, des érudits avaient cherché à étudier, à exhumer les traces du passé romain de notre pays, et le roi François I er lui-même, dit-on, était tombé en extase devant les ruines romaines de Nîmes et avait exigé qu’elles fussent préservées. Mais seuls quelques rares savants avaient cherché à connaître les peuplades présentes sur notre sol avant la conquête par les glorieuses légions de César. Au xviii e  siècle encore, quand les encyclopédistes parlent des Gaulois, ils les peignent toujours comme d’exotiques Barbares avec lesquels il est hors de question de se sentir une quelconque filiation. Quand on se vit en successeur de Rome et d’Athènes, comment accepterait-on de remonter à ces chevelus coupeurs de gui ?

    Le siècle romantique, lui, en tombe fou. À partir des années 1830, quelques historiens sortent de maigres paragraphes de La Guerre des Gaules de César un personnage dont personne n’avait retenu le nom : Vercingétorix. Vingt ans plus tard, Napoléon III fait creuser toute la Bourgogne pour qu’on trouve enfin le site où a pu se dérouler ce siège d’Alésia devenu si célèbre, et le grand blond à moustache devient l’incarnation même de la France. Il ne faut jamais désespérer de la postérité.
    Cela va de soi, cette gallomanie tardive ne se développe pas uniquement en réaction à la mythologie qui précédait. Elle prend de telles proportions parce qu’elle épouse à merveille une nouvelle idéologie qui va bientôt dominer l’époque : le nationalisme. Dans un système monarchique, on l’a dit, seule la généalogie du monarque – fût-elle légendaire – comptait vraiment. Depuis la Révolution, le peuple, ce nouvel acteur, a fait sa grande entrée sur la scène de l’histoire. À lui aussi il a donc fallu trouver un aïeul, tout aussi fabriqué mais tout aussi opportun : le peuple gaulois. Il consolide le patriotisme naissant avec son
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