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Nord et sud

Nord et sud

Titel: Nord et sud
Autoren: Elizabeth Gaskell
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avait été interrompue et répondit à la question de Mr Colthurst.
    — Je n’ai pas réussi dans mes affaires, et j’ai dû
renoncer à ma position de patron. Je cherche une situation à Milton où je
pourrai travailler pour quelqu’un qui acceptera de me laisser agir à ma guise
et prendre de telles initiatives. Je me connais assez pour ne pas craindre d’expérimenter
des théories hasardeuses. Mon seul désir est d’avoir l’occasion de cultiver
avec les ouvriers des relations qui ne se bornent pas à des transactions
financières. Mais à en juger par l’importance qu’y attachent certains de nos
manufacturiers, qui hochent la tête d’un air grave dès que j’évoque une ou deux
expériences que j’aimerais faire, on dirait qu’il s’agit là du point d’appui à
partir duquel Archimède se proposait de soulever la terre !
    — Vous parlez vous-même d’expériences, à ce que je
vois, dit Mr Colthurst avec un respect plus marqué dans le ton.
    — Car je les considère comme telles. Je ne suis pas
certain des conséquences. Ce dont je suis certain, c’est qu’il faut les tenter.
J’en suis arrivé à la conviction que de simples institutions, même si elles
sont le fruit de réflexions sages et d’aménagements soigneux, ne peuvent lier
une classe à une autre comme elles le devraient, sauf si le fonctionnement
desdites institutions met en contact personnel les membres des différentes
classes. C’est ce contact qui est un véritable souffle de vie. Un ouvrier peut
difficilement savoir et comprendre tout le travail fourni par son patron pour
concevoir dans son cabinet des projets pour le bien-être de ses employés. Une
idée d’aménagement émerge comme une machine, apparemment conçue pour faire face
à tous les imprévus. Mais les ouvriers l’acceptent comme ils acceptent la
machine, sans comprendre le travail mental intense et la force de prévision
nécessaires pour l’amener à ce point de perfection. Cependant, pour mettre à
exécution mon projet, j’aurais besoin que s’établissent des relations
personnelles. Tout n’irait peut-être pas comme sur des roulettes au début, mais
à chaque contretemps, un plus grand nombre d’hommes s’y intéresserait, et à la
fin, tous seraient unis pour en souhaiter la réussite, car tous auraient
participé à l’élaboration du projet. Au reste, je suis persuadé qu’il perdrait
sa vitalité et cesserait d’être efficace dès qu’il ne serait plus porté par cet
intérêt commun qui pousse invariablement les gens à trouver des moyens de se
voir, de se connaître personnellement et de se familiariser avec leurs
caractères respectifs, voire avec leurs humeurs et leurs façons de parler. Nous
nous comprendrions mieux, et j’aime à croire que nous nous apprécierions
davantage.
    — Et ces projets, empêcheraient-ils les grèves ?
    — Sûrement pas. J’espère seulement qu’ils les
empêcheraient d’être les sources de haines aussi violentes et implacables que
par le passé. Un homme plus idéaliste que moi espérerait peut-être que des
relations plus étroites et meilleures entre maîtres et ouvriers arriveraient à
faire disparaître les grèves. Mais je ne suis pas un optimiste.
    Soudain, une nouvelle idée lui vint, et il traversa la pièce
pour s’approcher de l’endroit où était assise Margaret. Il s’adressa à elle
sans préambule, comme s’il savait qu’elle avait écouté toute la conversation.
    — Miss Hale, j’ai reçu un message de certains de
mes hommes – je soupçonne Higgins de l’avoir écrit – qui me font savoir leur
désir de travailler avec moi si jamais j’étais à nouveau en mesure d’employer
des ouvriers pour mon compte. C’est réconfortant, n’est-ce pas ?
    — Oui. Et c’est justice. Je m’en réjouis, dit Margaret
en levant la tête et en le regardant bien en face de ses yeux expressifs, qu’elle
ne tarda pas à baisser sous le regard éloquent de Mr Thornton.
    Il le garda fixé sur elle pendant une minute, comme s’il ne
savait trop que faire. Puis il soupira et dit :
    — Je savais que cela vous ferait plaisir.
    Ensuite, il se détourna et ne lui reparla plus de la soirée,
que pour prendre cérémonieusement congé d’elle.
    Lorsque Mr Lennox partit, Margaret lui demanda en
rougissant malgré elle et en hésitant :
    — Pourrai-je vous parler demain ? J’ai besoin de
votre aide au sujet de... quelque chose.
    — Certainement. Je serai ici à
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