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Mourir pour Saragosse

Mourir pour Saragosse

Titel: Mourir pour Saragosse
Autoren: Michel Peyramaure
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parla de ses campagnes et moi des miennes. Nous nous sommes endormis pour ne nous réveiller qu’à la fin de la matinée. Il m’avoua avoir « une grosse faim » ; je lui proposai d’aller l’apaiser dans une gargote des boulevards où j’avais mes habitudes.
    – Je vais rester peu de temps à Paris, me confia-t-il. Le temps de prendre mes ordres auprès de ces jean-foutre du ministère et de trouver un sergent fourrier.
    – Et ensuite ?
    – L’Italie, avec Bonaparte. Je rêve depuis longtemps d’une promenade en gondole à Venise et d’une flânerie à Florence, sur le vieux pont, en ta compagnie.
    – Il me serait difficile de te suivre. On ne change pas de corps en claquant des doigts.
    – Si tu es d’accord, j’en fais mon affaire. Faut que je te dise : tu m’as beaucoup manqué, Antoine. C’est pourquoi je te veux désormais auprès de moi. Ta sagesse pourra m’éviterbien des ennuis. Je me suis lié d’amitié depuis des mois avec un fonctionnaire ministériel qui se fera un plaisir de nous aider. Simple jeu d’écritures. À moins que tu ne tiennes à rester dans la piétaille…
    Quelques mois plus tard, j’appris qu’il s’était conduit, au cours des campagnes précédentes, de manière à mériter sa réputation de « mauvaise tête », une réputation qu’il compensait par ses exploits au cours des batailles. Son arrogance lui avait valu la haine de ses pairs qui n’avaient eu de cesse de le faire incarcérer à Amiens pour une affaire de malversation montée de toutes pièces.
    Son honnêteté, quoi qu’on ait pu en dire, n’a jamais été prise en défaut ; il en était autrement pour ses opinions politiques.

    Mis à pied par le ministre, il en avait profité pour se rendre à Sarlat où, se disant extrémiste, il avait sévi dans ses domaines de prédilection : la bravade et la violence. Chevauchant à la tête d’une bande de fortes têtes, il s’en était pris aux patrouilles de la gendarmerie, avait semé la terreur dans le marché, et avait fait de même à Périgueux.
    Las de ces prouesses faciles et décevantes, il avait licencié sa horde pour revenir à Paris et exiger du ministre un commandement digne de ses antécédents et conforme à ses ambitions.
    Il allait, sous le général Augereau, se distinguer dans la campagne d’Alsace grâce à laquelle il devint chef de brigade d’un régiment de guides. Il avait obtenu de participer, à Strasbourg, au conseil de guerre. Il semblait qu’aucun obstacle ne pût lui faire barrage : il aurait pu devenir notaire, député puis ministre s’il n’avait été plus attaché à l’uniforme qu’à l’habit et à la robe.
    De retour à Paris après six mois d’absence, en janvier de l’année 1798, il avait, sans mettre ses ambitions sous le boisseau, mené une vie de satrape qui ne semblait pas perturbersa santé. Il se plaisait à répéter qu’il se portait « comme la tour de Vésone ».
    Mêlé à une conspiration contre le Directoire et après des péripéties que je renonce à mentionner, François avait été prié de regagner son corps, avec le grade de chef de brigade auxiliaire au 4 e de hussards. C’est au retour de cette mission qu’il m’avait retrouvé dans ma mansarde.
    Monté sur un cheval richement harnaché, il s’était rendu sans ordre de mission à Compiègne et s’était présenté au quartier général du 12 e régiment de hussards en manœuvre dans la région. Le colonel étant absent, il afficha, lors d’un exercice, une telle autorité et fit une telle impression qu’on lui en laissa le commandement. Révélée au ministre, cette impertinence lui aurait valu son licenciement.

    Viscéralement attiré par la provocation, il avait trouvé dans le duel un exutoire à sa violence congénitale lorsque la guerre ne la sollicitait pas.
    Il s’était lié d’une haine tenace à un officier dont il n’a jamais consenti à me révéler l’identité. Ils étaient convenus d’une sorte de contrat tacite stipulant obligation, chaque fois qu’ils se trouvaient à faible distance l’un de l’autre, de croiser le fer. On a parlé du général Dupont, mais leur différence d’âge et de grade s’opposait à cet affrontement. Quoi qu’il en soit, ce jeu à répétition, assorti de quelques estafilades, allait durer une quinzaine d’années.
    Dans les unités où il se trouvait, on le redoutait comme la peste. Il y faisait régner une sorte de terreur sourde enveloppée
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