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Mourir pour Saragosse

Mourir pour Saragosse

Titel: Mourir pour Saragosse
Autoren: Michel Peyramaure
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semblait avoir elle aussi perdu la tête.

    C’est dans une localité d’Allemagne dont j’ai oublié le nom que, pour la première fois, j’entendis louer les mérites d’un jeune général corse d’artillerie au nom singulier : Napoléon Bonaparte. Il menait la vie rude aux Anglais, devant Toulon.
    La guerre se poursuivit pour moi sur le front de l’Est, sous le commandement des généraux Hoche et Pichegru. Nous avancions sur les traces des armées alliées en déroute, dont les chefs se querellaient sans cesse. Je me reprenais à rêver de notre entrée dans Vienne, bannières déployées.
    Alors qu’à Paris l’accusateur public Fouquier-Tinville se flattait de « faire tomber les têtes comme des ardoises », nous remportions victoire sur victoire. À Fleurus, je fus de ceux qui forcèrent le centre austro-anglais du prince de Saxe-Cobourg, et m’y comportai avec un courage tel que le général Championnet m’en complimenta à l’infirmerie.
    Peu de temps après, nous apprenions que la Terreur avait pris fin. Robespierre, décrété hors-la-loi, avait épousé la « Veuve ». Juste retour des choses.
    Passionné que j’avais été dans ma jeunesse par les œuvres de Cervantès et de Lope de Vega, j’aspirais à partir pour l’Espagne. Nos troupes avaient fortement éprouvé les Anglais, alliés aux Espagnols, au cours de batailles dont les noms exotiques chantaient dans ma tête : Fontarrabie, San Sebastián, Figueras…

    De nouveau sur pied, je rejoignis, sous les pluies de décembre, avec le grade de sous-lieutenant, les effectifs du général Pichegru. J’eus droit à un cheval et à une pairede bottes, les miennes ayant été depuis belle lurette jetées aux orties.
    Le 20 janvier de l’année 1794, à défaut de Vienne, j’entrai à la tête de ma compagnie dans la capitale de la Hollande, Amsterdam. Deux jours plus tard, je participai à la prise de la flotte hollandaise prisonnière des glaces. Cette victoire peu banale mit fin à l’occupation anglaise.
    La paix n’allait pas tarder à s’étendre.
    L’insurrection de Vendée tirait ses dernières cartouches. L’Autriche nous avait proposé un armistice qui, sans mettre un terme au conflit, nous permettrait de reprendre nos forces. La sombre affaire de Quiberon avait ruiné les tentatives des Anglais pour faire triompher les royalistes.
    Le jeune général Bonaparte faisait de plus en plus parler de lui. Au début de l’année 1796, il avait soumis à un membre du Directoire, Barras, un plan de campagne pour l’Italie alors occupée par l’Autriche. On allait lui donner satisfaction. Il prit le temps d’épouser sa maîtresse, Joséphine de Beauharnais et, deux jours plus tard, flamberge au vent, partait pour l’Italie…

    Après quelques semaines d’une vie de sybarite dans une garnison de Hollande, je profitai d’une permission pour me rendre à Paris où je retrouvai ma mansarde dans l’état où je l’avais laissée.
    Une nuit, au retour du théâtre où l’on jouait la comédie de Beaumarchais, Le Barbier de Séville , alors que j’étais plongé dans mon premier sommeil, j’entendis grincer ma porte. Mon premier réflexe fut de me saisir du pistolet que j’avais toujours à portée de la main et de crier :
    – Qui va là ? Qui êtes-vous ?
    Mon second réflexe fut d’allumer ma chandelle. Un éclat de rire et une voix familière accompagnèrent ces gestes :
    – Et alors, monsieur le baron de Barsac, c’est ainsi qu’on accueille ses vieux amis ? Approche ta bougie et viens m’embrasser !
    C’était François Fournier. Il se laissa tomber au bord du lit, ralluma sa pipe à la flamme de la chandelle en soupirant :
    – J’ai eu du mal à entrer dans cette bicoque. Ton propriétaire refusait de m’ouvrir sa porte. J’allais la forcer quand il a consenti, en voyant mon uniforme, à me donner satisfaction.
    – Comment t’es-tu procuré mon adresse ?
    – J’ai écrit à ton père, il m’a répondu et me voilà ! J’ai laissé mon cheval à la garde de mon ordonnance. Accepterais-tu de m’héberger pour cette nuit ? Revenir au quartier me prendrait trop de temps et Paris est dangereux la nuit.
    – Mon lit est étroit mais confortable. Mets-toi à l’aise. Si tu as soif, tu trouveras une bouteille sur la table.
    Il acheva de la vider au goulot, se dévêtit et s’allongea nu près de moi après avoir soufflé la bougie. Nous avons bavardé jusqu’à la pointe du jour. Il
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