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Mélancolie française

Mélancolie française

Titel: Mélancolie française
Autoren: Eric Zemmour
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pas. Le comportement de la population française imposait aussi à la France son destin continental.
    Le raisonnement économique de Louis XV porta d’abord ses fruits : au XVIII e siècle, la France devint la première puissance sucrière en Europe, grâce à ses colonies de plantation dans les Antilles (Saint-Domingue, Martinique, Guadeloupe) et dans l’océan Indien (île de France, qui deviendra l’île Maurice, et île Bourbon, future île de la Réunion) : ses exportations vers l’Europe dépassaient celles de la Grande-Bretagne et firent la fortune des ports de l’Atlantique, Bordeaux et Nantes en particulier. Mais, si le sucre était en train de devenir un produit de grande consommation, ce succès fut insuffisant.
    Le traité de Paris de 1763 signa l’irrémédiable défaite française dans la mondialisation qui s’annonçait. « Que perd la France, notait Michelet ? Rien si ce n’est le monde. »
    L’histoire du XVIII e siècle français est un miroir aux alouettes. Apparemment, tout est fête des sens et de l’intelligence, luxe, volupté. En vérité, tout est dette, ruine, déclin.
    Choiseul et Vergennes tentèrent de restaurer la puissance française. Ils s’appuyèrent sur les autres Bourbons européens, à Madrid et à Naples. Sans doute l’influence idéologique de l’alliance avec les Habsbourg. Mais, en sous-main, on préparait la revanche contre les Anglais. Comme après 1870, la devise de la monarchie française aurait pu être déjà : « N’en parler jamais, y penser toujours. » Non sans succès. On rétablit la discipline et l’ordre dans les armées françaises ; on révolutionna les conceptions stratégiques à l’École militaire, que fréquenterait bientôt un jeune Corse nommé Buonaparte ; Gribeauval mit au point une nouvelle artillerie que les troupes révolutionnaires et impériales feraient tonner dans toute l’Europe. On commença l’édification d’une marine capable de rivaliser avec la Navy ; mais Louis XV, prudent, limita le tonnage de la Royale à la moitié de celui de la marine britannique. Louis XVI acheva brillamment l’œuvre de son grand-père. Louis XVI lui non plus ne voulait plus de guerres ni de conquêtes. En tout cas, sur terre. Louis XVI était un marin qui n’avait jamais vu la mer. Cet homme très intelligent avait compris que, dans l’éternel affrontement entre la mer et la terre, c’est la mer qui gagne le plus souvent ; et, quand la terre l’emporte, quand Rome écrase Carthage, c’est par la mer. Avec lui, la France posséda enfin la marine dont rêvait Colbert.
    Cette marine lui permit de venger l’affront anglais en émancipant sa colonie américaine. Cette tâche dantesque, dont on se glorifie encore aujourd’hui, fut peut-être la plus grosse bévue de Louis XVI. Elle se retourna contre la monarchie et la France. L’Amérique continuera d’être tout anglaise ; de la France, Jefferson préférait les bouteilles de château-yquem ! En 1792, la France envahie quêtera en vain l’aide de l’Amérique ingrate. L’Amérique payera sa dette. En 1917 ! Et on verra dans quelles conditions. Les idées de liberté, de république, prendront un essor jamais vu en France. Les services secrets anglais vengeront l’outrage en finançant sans vergogne les menées révolutionnaires du duc d’Orléans, jusqu’aux Jacobins. La guerre ruinera la monarchie : l’équivalent de dix ans de budget ! La convocation des états généraux sera directement issue de la guerre d’Amérique. Une assemblée qui, contrairement à son homologue anglaise, ne restaurera pas l’ordre ancien, mais fera table rase du passé ; ne limitera pas le pouvoir du monarque, mais se posera en rivale du roi. « On ne détruit que ce qu’on remplace. »
    Pour expliquer la Révolution, on songe rarement aux questions internationales. Paradoxalement, ce sont les historiens anglo-saxons (Jonathan R.Dull, Edmond Dziembowski) qui insistent sur ce point. Les travaux de l’abbé Jean-Louis Soulavie, qui, dès 1801, montraient que le renversement d’alliance de 1756 fut « l’une des causes de la Révolution », furent méprisés par l’historiographie française avant que des francs-tireurs comme Jean-Christian Petitfils ne les exhument. Pourtant, le XVIII e siècle vit l’émergence d’une « opinion », de plus en plus instruite, éduquée et endoctrinée par les Philosophes, manipulée et excitée par les libelles, qui a son avis sur la conduite de la France en
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