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Mélancolie française

Mélancolie française

Titel: Mélancolie française
Autoren: Eric Zemmour
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et des râles des agonisants, il confiait au dauphin Louis Ferdinand : « Voyez ce qu’il en coûte à un bon cœur de remporter des victoires ! Le sang de nos ennemis est toujours le sang des hommes ; la vraie gloire, mon fils, c’est de l’épargner ! » En 1748, au traité d’Aix-la-Chapelle, après une guerre pourtant victorieuse, Louis XV renonçait à la Belgique. Il avait fini par comprendre le traité d’Utrecht. La paix avait un prix : la sujétion de Versailles à Londres ; et Londres ne supportait pas qu’on mît la main sur la Belgique et ses précieux ports. Seul Frédéric II conserva sa proie silésienne arrachée à l’Autriche ; le petit peuple parisien, écœuré, forgea alors l’expression : « Travailler pour le roi de Prusse. »
    Louis XV tenta d’instaurer une conception des relations internationales aussi civilisée qu’un salon à Versailles. Même les guerres devaient respecter des codes. Il ne demanda ni n’exigea aucun territoire. Bientôt, pourtant, il s’enorgueillit de prendre la Lorraine et la Corse. De l’illusion de retrouver ses automatismes de grand prédateur.
    La France de Louis XV est un royaume satisfait. De sa civilisation, de sa puissance, de ses dimensions. Les divisions allemandes lui permettent de conserver une impression de domination sur le continent. Elle fait partie des nations repues. Son grand renversement d’alliance avec l’Autriche entérine cette évolution. La France ne veut plus conquérir, mais conserver. Elle veut (se) faire croire que c’est une démonstration de force, alors que c’est un aveu de faiblesse. Frédéric II de Prusse brocarde ce pays gouverné par une femme, Mme de Pompadour, qui, forçant un Bernis rétif, fut la grande inspiratrice de cette politique.
    La France catholique avait coutume de faire passer la politique avant la religion. Désormais, alors que ce pays est travaillé par une lente et inexorable alphabétisation et une déchristianisation qui touchent déjà avec éclat la cour et l’aristocratie, la diplomatie française édifie une ligue catholique contre les puissances protestantes. Ce choix est refusé par toute la nation, le peuple qui continue à détester les Autrichiens, mais aussi les élites, bourgeoises et parlementaires. Les Philosophes, conduits par Voltaire, soutiennent avec éclat le « roi philosophe » Frédéric II, monarque bien plus farouche et cruel que le souverain français. La trahison du duc de Richelieu, qui, au début de la guerre de Sept Ans, tient dans sa main l’armée prussienne et la laisse filer, après que Frédéric II eut évoqué avec lui les heures glorieuses de l’alliance entre son pays et son oncle, le grand cardinal – sans oublier des rétributions sonnantes et trébuchantes –, condamna à l’échec cuisant l’audacieuse politique royale.
    Lors du traité d’Aix-la-Chapelle en 1748, Louis XV vainqueur fut magnanime ; pour le traité de Paris en 1763, Louis XV, défait à l’issue d’une longue guerre de Sept Ans, fut sans doute convaincu qu’il avait sauvé l’essentiel. Nous perdions pourtant le plus bel empire colonial de l’histoire de France : Canada, Indes. On connaît le mot célèbre de Voltaire méprisant les « quelques arpents de neige » du Grand Nord américain. Voltaire, qui avait des intérêts financiers dans le commerce triangulaire, préférait qu’on sacrifiât le Canada à la Martinique. Pour une fois, Louis XV tint le même raisonnement économique que le plus célèbre philosophe de son royaume ; les arguments « anticolonialistes » rejoignaient les préoccupations mercantilistes : il conserva les colonies à esclaves (Caraïbes) qui rapportaient, plutôt que les colonies de peuplement que les Français ne peuplaient pas. Contrairement aux Anglais. C’est le vice historique de l’impérialisme français que nous retrouverons une dernière fois en Algérie : les Français n’y vont pas. Même aux heures les plus glorieuses de leur révolution démographique, ils ne submergent jamais les indigènes qui sont pourtant encore soumis à la modeste croissance démographique en société traditionnelle. On vit trop bien au pays. Même sous Louis XV. Et puis, contrairement aux Anglais, les Français n’exterminent pas les « sauvages » ; ils se mélangent. Aux Indes, au Canada, et plus tard en Afrique. C’est évidemment tout à l’honneur de notre pays, mais cela soulève des questions démographiques que les colons anglais ne se posent
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