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Marseille, 1198

Marseille, 1198

Titel: Marseille, 1198
Autoren: Jean (d) Aillon
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satisfait. Son attention fut soudain attirée par
les avertissements d’un chevalier de haute taille au visage recouvert d’une
épaisse barbe, qui surveillait le débarquement de chevaux d’une grosse nef
amarrée au milieu du port. Les animaux effrayés, engagés sur une longue et
instable passerelle, refusaient d’avancer.
    — Attention ! cria le chevalier au jeune
Maure qui tirait de toutes ses forces sur le licol d’un palefroi rétif. Cet
animal m’a coûté cinquante bezans de Jérusalem !
    Il s’exprimait en langue d’oc, ce qui surprit Fer
qui aurait juré qu’il était saxon ou normand, car la nef était anglaise. Piqué
de curiosité, le viguier l’observa un moment. Le chevalier portait un grand
manteau sur un haubert de mailles descendant à mi-cuisse et brandissait un
épais bâton de sept ou huit pieds. En l’examinant mieux, Hugues de Fer remarqua
que les extrémités du bois étaient effilées. Ce n’était pas un bâton, mais un
arc auquel on avait ôté la corde. Même durant la croisade, il n’avait jamais vu
un arc de cette taille, si long et si large. Il devait falloir une force
herculéenne pour le bander. Mais pourquoi ce chevalier avait-il un arc ?
Les chevaliers n’étaient pas des archers, bien que ceux qui rentraient de
Palestine aient parfois acquis là-bas de surprenantes habitudes.
    Finalement, le cheval arriva à bon port et
l’écuyer du chevalier, un jeune homme au visage boutonneux qui tenait l’épée et
le casque de son maître, s’empressa d’aider le jeune Maure.
    Songeant de nouveau à sa galère, Fer abandonna ses
observations pour se rendre à la tour de Malbert d’où partait la chaîne qui
fermait le port quand elle était tendue jusqu’à la tour Saint-Nicolas, sur
l’autre rive. De là, il découvrirait peut-être son navire, sinon il en
profiterait pour vérifier les arbalètes et les carreaux entreposés dans la
tour.
    Arrivé à l’extrémité du port, il grimpa sur le
chemin de ronde et parcourut la mer du regard. Son bateau n’était pas là, mais
une sagette [10] attendait à l’entrée de la passe, là où un officier de la ville vérifiait qu’il
n’y avait aucun malade à bord des embarcations. Les sagettes étaient des
navires à rames et à voiles très rapides utilisés par les Pisans, mais aussi
par les pirates maures. Ce n’étaient pas des bateaux de commerce, aussi cette
présence intrigua le viguier.
    Sans trop savoir pourquoi, il décida d’aller voir
ce que la sagette transportait. Après tout, pourquoi ne serait-ce pas un
courrier le concernant ? Toujours suivi de ses esclaves, il revint sur le
quai et en surveilla l’approche. Le navire portait une vingtaine de rameurs et
le capitaine commandait la manœuvre. À la poupe, un homme âgé en manteau de
laine ocre, barbe blanche au vent et grand turban enroulé sur la tête,
regardait avec inquiétude les hautes tours du château Babon.
    Cette silhouette réveilla un souvenir oublié. Le
cœur battant, il s’approcha quand les rames furent levées. La sagette accosta.
Un marin sauta sur le quai pour attacher un cordage à l’anneau scellé dans la
pierre, puis jeta une planche sur le ponton. Fer monta aussitôt à bord suivi
par le regard surpris du capitaine maure.
    — Assalamo alaykom , Seigneur…,
commença l’infidèle, en baissant humblement la tête tant il s’inquiétait d’un
contrôle.
    Fer l’ignora. Il s’approcha du vieillard et leurs
regards se croisèrent.
    — Hugues de Fer ! s’exclama le vieil
homme au turban, les yeux brillant de surprise et de joie.
    — Ibn Rushd !
    Tous deux s’étreignirent longuement avec un plaisir
non dissimulé.
    — Ibn Rushd, mon vieil ami ! Que
viens-tu faire à Marseille ? Je te croyais cadi à Marrakech, s’étonna le
viguier, relâchant le premier son étreinte.
    — J’y étais, mais cette vie est terminée. Je
suis venu ici en espérant te trouver, répondit simplement le vieil homme.
    Fer recula pour l’examiner. Son ami avait toujours
la longue barbe à deux pointes qu’il portait déjà le jour où il l’avait
rencontré. Simplement, elle était maintenant entièrement blanche. Son front
était toujours aussi haut et son regard aussi doux, mais pour la première fois,
il y vit une tristesse infinie. Il devina qu’Ibn Rushd avait des ennuis.
    — Me trouver ? s’enquit-il.
    — Je suis en fuite, et tu es le seul ami qui
me reste.
    — N’en dis pas plus ! Je laisse ici un
de mes
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