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Marseille, 1198

Marseille, 1198

Titel: Marseille, 1198
Autoren: Jean (d) Aillon
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chrétiens avaient
repris Saint-Jean-d’Acre, mais peu après, Philippe Auguste, malade de la
suette, était rentré en France. À cause de son absence, les croisés avaient
échoué devant Jérusalem.
    Hugues de Fer n’avait pas participé à cette
dernière campagne, car il était alors prisonnier des Sarrasins. Revenu à Acre
après sa libération, Gui de Lusignan [6] lui avait accordé, comme à
d’autres preux, le droit de commercer sans payer de taxes dans tout le royaume
de Chypre. Rentré à Marseille, Hugues de Fer avait donc armé navires et galères
et, désormais, il fournissait les comptoirs du Levant en huile, en drap, et
même en armes fabriquées dans la rue de la Lancerie. Riche, réputé pour sa
probité et sa vaillance, il avait reçu du vicomte de Marseille la charge de
viguier, c’est-à-dire l’administration, la police et la justice de la ville et
du port.
    Les vicomtes de Marseille n’étaient que des
lieutenants du comte de Provence, mais, au fil du temps, ils avaient imposé
leur souveraineté sur la ville. S’ils avaient été longtemps tout-puissants, ils
s’étaient ruinés durant les croisades, alors que les négociants
s’enrichissaient. Peu à peu, un nouvel équilibre des pouvoirs s’était établi.
Les négociants avaient imposé leurs représentants : les consuls, et le
vicomte avait délégué ses droits à un viguier.
    C’est le vicomte Raymond Geoffroi, appelé aussi
Barrai, car il portait une barrique sur ses armes, qui avait demandé à son ami
Hugues de Fer de devenir viguier. Depuis, Raymond Geoffroi était mort et c’est
son frère, Roncelin, un ancien moine, qui avait repris la charge. Roncelin,
homme faible et jouisseur, avait confirmé Hugues de Fer dans sa charge. Proche
des consuls par son activité de négociant et premier magistrat, Hugues de Fer
était désormais le maître de Marseille.
    Comme tous les matins, suivi de ses esclaves [7] sarrasins dont l’un portait son bassinet et sa lance, et l’autre son glaive à
double tranchant, Hugues traversait le sixtain des Accoules [8] pour se rendre au
port. Là-bas, il vérifierait soigneusement la garde des fortifications et l’état
du dépôt d’armes de la tour Malbert. Il s’assurerait aussi que les entrepôts
étaient bien surveillés et que la police du port encaissait les droits de
passage des voyageurs et des marchandises sans fraudes ni malversations. Plus
tard, de retour chez lui, dans la grande salle de son logis, il prendrait
connaissance des crimes et des délits commis durant la nuit dans le fief
marseillais et jugerait les voleurs et les pillards pris en flagrant délit.
Tant d’étrangers, tant de richesses attiraient immanquablement les malfaiteurs.
La nuit, il n’était pas rare qu’une maison mal protégée soit mise à sac. Quant
aux campagnes, elles étaient encore moins sûres depuis que des écorcheurs y
sévissaient.
    Évitant les ornières boueuses, il passa non loin
du Palatium Tolonei , la grosse tour carrée seigneuriale où se
réunissaient les consuls et où étaient entreposés les poids et les mesures des
marchands. Un peu plus loin, en se signant, il jeta un regard au pilori où un
blasphémateur, couvert de boue et de crachats, avait été fouetté la veille
avant qu’on ne lui coupe la langue. Par contre, il n’accorda aucune attention
aux deux potences où pendaient les corps d’une femme et d’un enfant, des
voleurs pris en flagrant délit.
    En s’approchant du port, la populace devint plus
nombreuse et pressante, et un de ses esclaves se mit devant lui pour dégager le
chemin, car le passage se resserrait de plus en plus à cause des étals des
marchands. L’étroite et obscure ruelle qui descendait vers la mer était ravinée
depuis les dernières grosses pluies d’automne et les déjections des hommes et
des animaux s’accumulaient dans les ornières. Constatant ce désordre, Hugues de
Fer décida de convoquer le chef du quartier pour exiger un rapide nettoyage,
car à la prochaine pluie tous ces déchets iraient dans le port dont le curetage
coûtait déjà assez cher. Il aurait voulu que les rues les plus fréquentées
soient pavées de galets ou de dalles, comme le roi Philippe Auguste l’avait
décidé à Paris, mais les marchands s’y opposaient, jugeant inutiles de telles
dépenses.
    Les effluves des épices provenant du port
commençaient à couvrir la puanteur des détritus et des excréments quand le
viguier arriva à la muraille. C’était
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