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Marseille, 1198

Marseille, 1198

Titel: Marseille, 1198
Autoren: Jean (d) Aillon
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Chapitre 1
    Avril 1198
     
    D epuis
un siècle, Marseille était le port des croisés.
    Fondée bien avant Rome, la ville avait tant connu
d’invasions, d’occupations, de passages, qu’au fil des siècles sa population
était devenue un métissage des peuples méditerranéens. Avec les croisades, ce
brassage s’était étendu à toutes les nations d’Europe.
    En cette fin de siècle, on entendait toutes sortes
de dialectes dans l’antique cité phocéenne, on y voyait des vêtements
extravagants, on rencontrait sur les quais et dans les auberges aussi bien des
chevaliers et des troubadours que des pèlerins ou des religieux. Ils
attendaient d’embarquer pour la Palestine, ou ils en revenaient.
    Les croisades avaient enrichi la ville. Non
seulement les croisés payaient leur passage sur des navires phocéens, mais ils
dépensaient beaucoup durant les semaines précédant leur embarquement, ou à leur
retour. De plus, pour récompenser les chevaliers marseillais qui s’étaient bien
battus en Palestine, le royaume de Jérusalem leur avait accordé des comptoirs
dans les ports du Levant et le droit de commercer sans payer de taxes.
    Même après la perte de Saint-Jean-d’Acre et la fin
du royaume franc de Palestine, Marseille avait continué de commercer avec
l’Orient. Le négoce maritime était devenu la principale activité de la ville et
avait changé les mentalités. Le destin des Marseillais était désormais sur les
mers et ils se désintéressaient des conflits qui déchiraient l’Europe. En quoi
étaient-ils concernés par les querelles entre le roi de France, Philippe
Auguste [1] ,
et son vassal le duc d’Aquitaine, Richard Cœur de Lion, roi d’Angleterre [2]  ?
Que leur importait que le comte de Toulouse soit menacé par Richard et le comte
de Barcelone ? Pourquoi devraient-ils prendre parti dans le conflit entre
les Guelfes et les Gibelins allemands ?
    Non seulement Marseille ne cherchait plus à se
mêler de ces conflits mais les négociants voulaient aussi s’affranchir des
tutelles féodales. Comme ceux des communes italiennes, ils voulaient commercer
et s’enrichir sans contraintes.
    C’est à cela que songeait le viguier Hugues de Fer
en sortant de sa maison, une tour carrée de quatre étages accolée à un corps de
logis construit sur de massives arcades en plein cintre, à quelques pas de
l’église Nostra Donna de las Accoas [3] , ainsi nommée parce
qu’elle était bâtie en arc.
    De petite taille, râblé, sombre de peau avec des
cheveux frisés bruns et courts, le viguier affichait perpétuellement une
expression sévère, renforcée par une épaisse moustache noire qui couvrait sa
lèvre supérieure et descendait jusqu’à son menton.
    En ce début d’avril glacial, il était enveloppé
dans un manteau brun doublé de rouge, à col de martre et passements dorés
s’arrêtant aux genoux. Comme ce vêtement n’était pas attaché par ses
aiguillettes, on apercevait dessous une tunique de laine, piquée et rembourrée
comme un gambison [4] ,
des hauts-de-chausses rouge cinabre et des bottines dont les éperons –
simples piques de cuivre – témoignaient de son rang de chevalier. Le haut
de sa tunique était protégé d’un camail. Ce chaperon de mailles de fer lui
couvrait les épaules sans pour autant cacher la croix bleue brodée sur sa
poitrine.
    Dix ans plus tôt, après que Saladin se fut emparé
de Jérusalem et de Saint-Jean-d’Acre, le pape Grégoire VIII avait appelé
la chrétienté à une nouvelle croisade pour délivrer la Terre sainte. Les rois
de France et d’Angleterre avaient mis de côté leurs différends pour y
participer. Philippe II était parti de Boulogne avec des navires italiens,
tandis que Richard Cœur de Lion avait embarqué sur la flotte anglaise, à
Marseille. Comme bien des nobles marseillais, Hugues de Fer avait aussi pris le
large pour la Terre sainte en compagnie de milliers d’Anglais, de Français, de
Flamands, d’Allemands et de Catalans.
    Pour identifier l’origine des croisés, des
capitaines leur avaient demandé de porter des croix de couleurs différentes. La
croix de gueules [5] sur fond d’argent fut attribuée aux Français, la croix d’argent sur fond de
gueules aux Anglais, et la croix d’or sur fond azur aux Flamands. Marseille
avait choisi le blason d’argent à la croix d’azur. Plus tard, Hugues de Fer
avait gardé cette croix qui était devenue les armes de la ville.
    Avec une armée si nombreuse, les
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