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Marcof-le-malouin

Marcof-le-malouin

Titel: Marcof-le-malouin
Autoren: Ernest Capendu
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distincts. Les montagnes et la plaine offraient le coup d’œil féerique d’une splendide illumination.
    – Voyez-vous, ma belle Yvonne ? Notre-Dame de Groix a eu pitié de nous ; elle nous a sauvés de la tempête. Elle a calmé l’orage pour que nous puissions achever la route sans danger.
    – La première fois que nous retournerons à Groix, il faudra faire présent à Notre-Dame d’une pièce de toile fine pour son autel, répondit la jeune fille.
    – Nous la lui porterons ensemble aussitôt après notre mariage.
    – Ah ! prenez donc garde ! votre jument vient de butter !
    – C’est qu’elle a glissé sur une roche. Mais voilà que nous atteignons le coude du sentier, et de l’autre côté, la chaussée est meilleure.
    Les deux jeunes gens approchaient en effet de l’endroit où Keinec se tenait embusqué. La crosse de la carabine solidement appuyée sur son épaule, le doigt sur la détente, dans une immobilité absolue, Keinec était prêt à faire feu.
    Les voyageurs s’avançaient en lui faisant face. Mais la jument grise allait à petits pas ; elle s’arrêtait parfois, et Jahoua ne songeait guère à lui faire hâter sa marche.
    De la main gauche, le malheureux Keinec labourait sa poitrine que déchiraient ses ongles crispés. Enfin le moment favorable arriva. Keinec voulut presser la détente, mais sa main demeura inerte, un nuage passa sur ses yeux. Sa tête s’inclina lentement sur sa poitrine. Puis, par une réaction puissante, il revint à lui soudainement. Mais les deux jeunes gens étaient passés, et c’était maintenant Yvonne qu’il allait frapper la première. Deux fois Keinec la coucha en joue. Deux fois sa main tremblante releva son arme inutile.
    – Oh ! je suis un lâche ! murmura-t-il avec rage.
    Et Keinec se relevant et prenant sa course, bondit sur la falaise pour devancer de nouveau les deux promis. Les pauvres jeunes gens continuaient gaiement leur route, ignorant que la mort fût si près d’eux, menaçante, presque inévitable.
    Au moment où Keinec franchissait légèrement un petit ravin, il se heurta contre un homme qui se dressa subitement devant lui. En même temps il sentit une main de fer lui saisir le poignet et le clouer sur place, sans qu’il lui fût possible de faire un pas en avant.
    – Ne vois-tu pas, Keinec, dit une voix lente, que tu ne dois pas les tuer ?
    – Ian Carfor ! s’écria Keinec.
    – Tu es jeune, Yvonne l’est aussi ; l’avenir est grand, et Yvonne n’est pas encore la femme de Jahoua !…
    – Elle le sera dans sept jours !
    – En sept jours, Dieu a créé le monde et s’est reposé ! Crois-tu qu’il ne puisse en sept jours délier un mariage ?
    – Que dis-tu, Carfor ?
    – Rien ce soir ; mais, si tu le veux, demain je parlerai…
    – À quelle heure ?
    – À minuit.
    – Où cela ?
    – À la baie des Trépassés.
    – J’y serai.
    – Tu m’apporteras un bouc noir et deux poules blanches, ton fusil, tes balles et ta poudre.
    – Ensuite ?
    – J’interrogerai les astres, et tu connaîtras la volonté de Dieu.
    Ian Carfor s’éloigna dans la direction des pierres druidiques auxquelles aboutissait le chemin creux.
    Keinec, appuyé sur son fusil, le regarda jusqu’au moment où il disparut dans les ténèbres. Quand il l’eut complètement perdu de vue, il désarma sa carabine, il la jeta sur son épaule, il s’avança jusqu’au bord du chemin et il se laissa glisser le long du talus.
    Une fois sur la chaussée, il se dirigea vers le village en murmurant à voix basse :
    – Il faut que je la revoie encore !
    En ce moment, Yvonne et Jahoua atteignaient Fouesnan, dont la population tout entière dansait joyeusement autour d’un immense brasier.

V – LA SAINT-JEAN.
    La fête de la Saint-Jean, le 24 juin de chaque année, est une des solennités les plus remarquables et les plus religieusement célébrées de la Bretagne. La veille, on voit des troupes de petits garçons et de petites filles, la plupart couverts de haillons et de mauvaises peaux de moutons dont la clavée a rongé la laine, parcourir pieds nus les routes et les chemins creux. Une assiette à la main, ils s’en vont quêter de porte en porte. Ce sont les pauvres qui, n’ayant pu économiser assez pour faire l’acquisition d’une fascine d’ajoncs, envoient leurs gars et leurs fillettes mendier chez les paysans plus riches de quoi acheter les quelques branches destinées à illuminer un feu en
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