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Madame Catherine

Madame Catherine

Titel: Madame Catherine
Autoren: Franck Ferrand
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prodige de ce visage, de ce corps que nulle ride, nul affaissement ne paraissaient vouloir atteindre.
    « C’est la méchanceté qui la conserve, assuraient les mauvaises langues. La méchanceté, et puis l’appât du gain... »
    La duchesse pénétra dans la bibliothèque où, quatre fois la semaine, se retrouvaient ses notaires, ses greffiers, son capitaine-châtelain et plusieurs de ses juges-lieutenants. Un intendant l’accueillit, non sans nervosité, pour un de ces inventaires qui la payaient de toutes les vilenies.
    — Nous recevons à l’instant de Chenonceaux l’état que Madame attendait.
    Diane demanda la substance du rapport.
    — Ils ont récolté l’an passé pour soixante-cinq boisseaux de noix, et trente et demi d’amandes ; quant aux quarante arpents de bois coupés, ils ont donné deux cent soixante livres.
    — Combien de poinçons de vin ?
    — Vingt-neuf, madame, si je ne me trompe ; et un quart de verjus.
    — N’est-ce pas là-bas que nous devions vendre une ou deux bêtes, trouvées errantes sur le domaine...
    — En effet, madame : une jument et un petit mouton ; ils ont été mis aux enchères au début de ce mois. J’ai le rapport quelque part...
    L’homme fouilla fébrilement dans les papiers qui s’amoncelaient devant lui. Mais l’esprit de Diane roulait déjà sur un procès intenté, en pays diois, à deux de ses voisins, et dont elle attendait une forte somme. Amasser des espèces sonnantes était ce qui lui procurait les émotions les plus douces – surtout lorsque les rentrées s’effectuaient au détriment d’autrui, l’éclat de la victoire rehaussant alors la félicité du gain.
    — Où en sommes-nous de l’affaire de Crest ?
    Un greffier bondit de sa sellette et vint présenter à la duchesse un compte rendu détaillé de la première audience. Éloignant de ses yeux les feuillets de justice, Diane tira de ses robes une admirable petite lorgnette en or, sertie de brillants. Ainsi put-elle lire les derniers paragraphes. À la voir ainsi, sérieuse et concentrée dans son ample robe noire, si noire, liserée de blanc très blanc, il était impossible de ne pas se rappeler la régente Louise, mère du défunt roi François. Du reste, Diane se faisait, comme elle, appeler « Madame » à la Cour ; Madame sans rien derrière.
    — Ces gens-là ne seraient-ils pas protestants ? demanda-t-elle à propos de la partie adverse.
    — C’est justement ce que nous vérifions, précisa le greffier, un mauvais sourire aux lèvres.
    L’aversion de la duchesse envers les Réformés était sincère et même profonde ; simplement, elle se doublait ici de considérations moins avouables... Diane se faisait fort, en effet, d’obtenir du Conseil rétrocession, à son profit, des biens et domaines confisqués par la couronne aux familles d’hérétiques.
    — Le roi, madame ! vint annoncer un page essoufflé.
    Diane leva les yeux vers la porte qu’on ouvrait à deux vantaux pour livrer passage au monarque. Henri, dont le visage était naturellement sombre, lui parut plus taciturne encore que de coutume.
    — Je m’en voudrais de vous déranger, m’amie.
    — Sire, aucunement.
    Elle s’était levée pour esquisser une révérence qu’il interrompit d’un geste courtois.
    — Je viens d’apprendre une nouvelle assommante.
    Le roi soupirait lourdement, comme lorsque, à la chasse, il lui arrivait de perdre trace du gibier.
    — Figurez-vous qu’il se trouve aujourd’hui de mauvais Chrétiens jusque dans l’atelier de mon tailleur !
    Non mais, croyez-vous que nous viendrons un jour à bout de cette engeance-là ? Chez mon tailleur, madame !
    — Un malheureux ouvrier séduit par quelque tête folle...
    — Le résultat est là. Le mal progresse. Il se rapproche.
    D’une main adroite, Diane se saisit d’une petite pyramide de cerises confites, qu’elle passa sous le nez du roi ; il en picora deux ou trois sans même s’en rendre compte. De l’autre main, elle l’entraînait jusqu’à la pièce voisine – une sorte de boudoir où ils s’étaient retrouvés, naguère, pour un entretien langoureux... Elle referma elle-même la petite porte vernie, posa les cerises sur une crédence et passa doucement le bout de ses longs doigts dans la barbe, tellement soignée, et dans les cheveux du roi.
    — Henri, le calma-t-elle ; vous vous échauffez pour bien peu de chose.
    — Ah, vous trouvez !
    — Un ouvrier s’est laissé gagner à
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