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L'homme au ventre de plomb

L'homme au ventre de plomb

Titel: L'homme au ventre de plomb
Autoren: Jean-François Parot
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vous en aurez saisi un autre. N'hésitez pas à
poser des mines, à jouer les hurons 18 ,
mais surtout ne faites rien exploser sans mon ordre exprès.

    â€“ Et si le
comte s'oppose au transport du corps ?

    â€“ Vous êtes
magistrat. Ordonnez, instrumentez, contraignez. Je vous salue,
monsieur.

    Reste seul,
Nicolas s'assit dans un fauteuil pour réfléchir à
l'attitude de son chef. Il fallait faire la part des choses et
prendre en compte le jeu subtil du lieutenant général
pris entre des puissances dont il devait concilier les bons plaisirs
et les desseins secrets. Entre le roi, M. de Saint-Florentin, la
famille royale, les parlements, les jésuites, les jansénistes,
les philosophes et les malandrins, sa tâche n'était pas
facile. A quoi s'ai0utaient les soucis du temps de guerre et la
crainte des menées des puissances étrangères.

    Certes, Nicolas
comprenait tout cela, mais il lui en voulait un peu de jouer avec lui
comme du temps, pourtant proche, où il n'était encore
qu'un apprenti. Sartine oubliait trop souvent que son protégé
était désormais commissaire, et non plus le petit
provincial à peine sorti de sa campagne. Il chassa cette
pensée médiocre et mesura aussitôt l'injustice de
ce procès à l'égard d'un homme à qui il
devait tout. Ce qui importait, c'était une nouvelle fois les
pleins pouvoirs accordés pour démêler une affaire
délicate.

    Gravement insulté
par le comte de Ruissec, Sartine n'était que trop heureux de
s'en remettre à Nicolas pour lui jouer un mauvais tour. S'il
n'avait pas discuté la conviction avancée par Nicolas,
c'est que les prémices ne l'intéressaient pas. Comme le
disait Bourdeau, « la composition du pot ne passionne pas
l'affamé ». Le lieutenant général de
police ne se préoccupait pas de la cuisine des enquêtes.
Il avait une haute idée de sa mission, et pour lui, seule
l'efficacité comptait. Il ne prenait pas parti sur les tours
et détours du travail de ses subordonnés, il attendait
des preuves et des résultats.

    En fait de
preuves, Nicolas n'en possédait aucune. Il se laissait guider
par son intuition. Et même Sartine n'avait pas relevé la
plus grande contradiction qui pouvait mettre à mal son
hypothèse. : la chambre du vicomte était, sans
discussion possible, fermée de l'intérieur et nulle
issue n'existait par laquelle un éventuel meurtrier aurait pu
s'enfuir.

    Cependant, Nicolas
regrettait de ne pas avoir eu le loisir d'exposer à son chef
la cause principale fondant sa conviction. Elle s'était formée
à la vue du corps. Son expérience, nourrie des
conversations avec son ami Semacgus, chirurgien de marine, et de ses
propres travaux avec Sanson, le bourreau de Paris, n'avait pas été
perdue.

    Il se leva et alla
de nouveau regarder le mort. Jamais il n'avait vu un visage aussi
monstrueusement convulsé et déformé. Mais
surtout, l'état du corps et celui de la blessure ne
correspondaient aucunement au délai très court qui
séparait le coup de feu entendu par Picard et leur propre
arrivée à l'hôtel de Ruissec. Et il y avait
encore autre chose qui le dérangeait, une impression confuse
qu'il ne parvenait pas à démêler.

    Ainsi, le travail
de l'enquête s'établissait dans une réflexion
parallèle appartenant à un mode inconscient. Parfois,
ses rêves, ou plutôt ses cauchemars, lui avaient apporté
des solutions à des questions qui l'obsédaient.
L'essentiel alors était de ne pas forcer les choses, de les
laisser mûrir afin de favoriser leur conjonction, une fois
ouvertes les portes du sommeil. Encore fallait-il s'en souvenir, et
trop souvent un réveil brutal le tirait de son rêve au
bon moment. Il fit un dernier tour de la pièce. Il découvrit
une seconde porte dans la boiserie, symétrique de celle du
cabinet de toilette. Elle ouvrait sur un réduit sans fenêtre
et abritait une bibliothèque. Après un rapide examen,
il fut frappé du caractère hétéroclite
des titres et se promit de revenir étudier cela de plus près.
Au passage, il nota la présence du tricorne du mort, jeté
à l'envers sur le lit aux côtés de son manteau.

    Nicolas médita
sur ce qu'il lui restait à faire. Ce premier examen demeurait
superficiel et limité. Il constituait pourtant
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