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Lettres - Tome I

Lettres - Tome I

Titel: Lettres - Tome I
Autoren: Pline le Jeune
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yeux la volonté du testateur (que vont penser de ceci les jurisconsultes ?) est plus sacrée que la loi, surtout quand il s’agit d’un don qu’il a voulu faire à notre patrie commune. Vais-je après lui avoir donné sur mon propre bien un million six cent mille sesterces, lui disputer ce supplément d’un peu plus du tiers de quatre cent mille sesterces ? je sais que vous en jugez comme moi, vous qui aimez notre ville en excellent citoyen. Je désirerais donc qu’à la première assemblée des décurions, vous expliquiez la disposition du droit, mais en peu de mots et avec modération ; vous ajouteriez ensuite que j’offre les quatre cent mille sesterces, selon la volonté de Saturninus. À lui l’honneur de ce présent, à lui l’honneur de cette largesse ; pour moi seulement le mérite de l’obéissance.
    Je me suis abstenu d’écrire cela officiellement aux magistrats ; j’ai pensé d’abord qu’en raison de notre amitié et de votre grande habileté vous deviez et vous pouviez en cette occasion, parler pour moi comme pour vous-même ; j’ai craint ensuite que la mesure, facile à garder par vous dans un discours, ne parût être mal observée par moi dans une lettre. Car la parole est commentée par la physionomie, le geste, le ton même ; une lettre, privée de tout secours, est livrée à la malignité des interprétations. Adieu.
     
    VIII. – C. PLINE SALUE SON CHER TITINIUS CAPITO.
    L’histoire et l’éloquence.
     
    Vous m’engagez à écrire l’histoire, et vous n’êtes pas le seul ; beaucoup d’autres me l’ont conseillé souvent, et j’y suis décidé moi-même ; ce n’est pas que je me flatte de réussir en ce genre (il y aurait de la témérité à le croire, sans avoir essayé) ; mais je ne vois rien de plus honorable que d’empêcher de périr la mémoire de ceux qui méritent l’immortalité et d’assurer la gloire des autres en même temps que la sienne. Or nul désir, nulle passion ne me tente plus que celle de la renommée, récompense la plus digne d’un homme, surtout de l’homme qui, n’ayant conscience d’aucune faute, ne redoute pas le souvenir de la postérité. Aussi est-ce jour et nuit le sujet de toutes mes pensées : « oh ! si je pouvais moi aussi m’élever au-dessus de la terre ! {108}  » car cela suffirait à mes vœux. Ceci au contraire dépasse mes vœux : « Victorieux voler sur les lèvres des hommes !… Pourtant, oh ! si… {109}  » Mais il suffit de ce que l’histoire semble promettre presque seule. Car un discours ou un poème jouissent de peu de faveur, à moins d’être d’un style parfait ; l’histoire, quelle qu’en soit la forme, plaît. C’est que les hommes sont naturellement curieux et s’intéressent à la nouveauté même toute nue, au point qu’ils se laissent séduire par des contes et des fables même.
    Quant à moi, un exemple domestique m’invite encore à cultiver ce genre. Mon oncle maternel {110} , qui a été aussi mon père par adoption, a écrit l’histoire, et y a mis une scrupuleuse fidélité. Or je lis dans les sages que rien n’est plus beau que de marcher sur les traces des aïeux, quand ils nous ont ouvert la bonne voie. Quelle est donc la cause de mes hésitations ? La voici : j’ai plaidé de grandes et lourdes causes ; et, quoique je ne mette pas en elles de grandes espérances, je me propose de les retoucher, pour ne pas exposer ce travail, qui m’a tant coûté, si je lui refuse ce dernier soin, à périr avec moi. Car, au regard de la postérité, tout ce qui n’est pas achevé, n’est pas même commencé. « Vous pouvez, direz-vous, mener de front la revision de vos plaidoyers et la composition d’une histoire. » Plût aux dieux ! Mais chacun de ces ouvrages est si considérable, que c’est déjà beaucoup d’en exécuter un.
    J’ai débuté au barreau à dix-neuf ans, et je commence à peine à entrevoir, confusément encore, toutes les qualités qu’on exige d’un orateur ; que sera-ce, si à ce fardeau s’en ajoute un autre ? L’éloquence et l’histoire ont, sans doute, bien des traits communs, mais aussi bien des différences dans ces caractères eux-mêmes qui leur paraissent communs. La narration appartient à l’une et à l’autre, mais elles la traitent diversement. La première se plaît aux faits vulgaires, communs, terre à terre ; la seconde aux actions rares, éclatantes, sublimes ; à l’une convient une forte nature, des muscles
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