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Les souliers bruns du quai Voltaire

Les souliers bruns du quai Voltaire

Titel: Les souliers bruns du quai Voltaire
Autoren: Claude Izner
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condamnation. Zola a raison d’affirmer : « Un jour, la France me remerciera d’avoir aidé à sauver son honneur. »
    Victor hocha la tête et se dégagea doucement.
    — Excusez-moi, je dois accueillir quelques connaissances.
    Il alla serrer la main d’Angélique Frouin.
    — Quand même, m’sieu Legris, avouez que si on m’avait écoutée, on aurait évité bien des malheurs ! Quand je songe que la police m’a expédiée à l’hôpital ! Encore heureux que j’m’y sois languie le jour où on a estourbi l’oiseleuse, sinon on me collait ça sur le dos ! Et puis, vous savez quoi, m’sieu Legris, un bienfaiteur anonyme a déposé une somme pour moi à l’hôpital, trois mille francs ! Vous imaginez un peu ! Ça représente quatre ans de travail à carder les matelas ! Mon fiancé, moi et les mômes, on va s’expatrier à la campagne, on plantera des fruitiers, il y aura du boulot pour Gaétan, parce que lui et les arbres, c’est cul et chemise.
    Gaétan Larue approuva. Ferdinand Pitel entra au bras de sa nouvelle conquête, une marchande de fromages à la taille de guêpe et aux frisottis plus denses que la toison d’un mouton. Il n’avait manifesté aucun chagrin au décès de sa tante. Il ne ressentait au contraire qu’un intense soulagement d’être débarrassé de cette parente indésirable. Il allait hériter de son appartement, grâce à elle il serait propriétaire d’un quatre-pièces et enfin libre de ses actes.
    Helga Becker fit une apparition remarquée en automobile Georges Richard. Avant de pénétrer dans la galerie, elle soûla les assistants des qualités de son engin, puis se répandit en éloges sur l’Autriche qui allait construire un métropolitain à Vienne bien avant Paris.
    — Avez-vous lu Le Désastre 1 de Paul et Victor Margueritte ? s’enquit d’une voix mielleuse Raphaëlle de Gouveline qui, une fois n’était pas coutume, avait abandonné ses chiens à la maison. Ce roman traite avec justesse de la guerre de 70. Difficile de se fier aux Prussiens, aux Autrichiens et tutti quanti…
    — Non, et je n’en ai nullement l’intention. En revanche j’ai dévoré La Cathédrale de M. Huysmans, son style élève l’âme, riposta Helga Becker.
    Victor se replia vers un groupe de bouquinistes au milieu desquels vitupérait Lucas Le Flohic.
    — Figurez-vous un peu, à la vente du bibliophile Piat, on a liquidé 20 francs une signature de Molière authentiquement fausse ! Sur le catalogue ils ont eu le culot de noter : « Ex-signature de Jean-Baptiste Poquelin » ! Penser qu’il y a cinq ans elle s’était monnayée 2 800 francs ! s’indignait-il.
    Fulbert Bottier conversa avec Victor en aparté. Il affichait une expression morose et avait pris un coup de vieux.
    — Je suis ravi que vous ayez réussi à vous blanchir, et que votre épouse soit sur le point de goûter au succès. Cette histoire me hante. Cette succession de crimes, ces pots de confitures, c’est à devenir fou. Le pire, c’est que je regrette Georges Moizan, nos querelles me manquent. Quelle fin horrible ! Malgré son fichu caractère, il ne méritait pas ça, le Tyrolien. Et dans ma boîte ! La place va être mise en disponibilité, et j’espère que mon nouveau voisin sera aussi gentil que Raoul Pérot.
    Celui-ci les salua de loin et s’insinua discrètement dans la galerie. Les remontrances du commissaire Valmy résonnaient en lui comme un avertissement, il était décidé à se fondre dans l’anonymat. Un simple bouquiniste, avec pour compagne une tortue baptisée Camille, voilà tout ce qu’il désirait. Il avisa Joseph et feignit de s’absorber dans une profonde rêverie suscitée par un tableau de manège haut en couleur sur les chevaux duquel se poursuivaient en riant jeunes gens et jeunes filles.
    — Une semaine, maman, ce n’est pas la mer à boire ! expliquait à voix basse Joseph à Euphrosine.
    — Nous vous en serions tellement obligés ! renchérit Iris, serrant contre son cœur le réticule qui contenait son précieux carnet de contes.
    Elle vivait d’avance le moment où, au bord de la Tamise, elle en ferait don au père de ses enfants.
    — Mais si les petits tombaient malades, ou qu’il y ait un accident ? Ma croix est déjà plutôt lourde à porter, non ?
    — Vous avez notre entière confiance, vous êtes capable de résoudre les pires problèmes, rétorqua Iris. Et puis il y a le téléphone, Kenji, Djina, Victor, Tasha.
    Euphrosine
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