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Les souliers bruns du quai Voltaire

Les souliers bruns du quai Voltaire

Titel: Les souliers bruns du quai Voltaire
Autoren: Claude Izner
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ses Oracle des dames et des demoiselles et ses Cuisinière bourgeoise .
    Un échalas grisonnant étala son mouchoir sur le parapet dans le but d’épargner son costume de velours noir et se pencha pour épier les soupirants que la froidure n’empêchait pas de se bécoter au bord de l’eau, convaincus d’être préservés des regards indiscrets.
    Fulbert Bottier, qui caressait affectueusement ses éditions numérotées, ses parchemins, grimoires et autographes, ravala un soupir de dégoût et se concentra sur les souliers du voyeur suspendus à cinquante centimètres du sol. Georges Moizan tapota l’épaule de l’indésirable et lui désigna la silhouette d’un sergent de ville sur le trottoir opposé. L’homme reprit pied, fourra son mouchoir dans sa poche et décampa, conspué par l’Odeur, Ferdinand Pitel, Gaétan Larue et Angélique Frouin.
    — Si c’n’est pas répugnant ! affirma celle-ci.
    — Il ne reviendra pas de sitôt, le pourceau, je le mentionne, annonça Georges Moizan, exhibant un calepin vert.
    — Mais qu’est-ce que vous pouvez gribouiller là-dedans à longueur de journée ?
    — Tout, ma bonne dame, tout. Le temps qu’il fait, les ventes que je réalise, les heures d’arrivée et de départ de mes collègues. Vous, par exemple, il y a un bail que vous traînassez, vous ne turbinez pas aujourd’hui ? Ni vous, monsieur l’élagueur ? Et vos clients, monsieur le cordonnier, vous les négligez.
    — Mes clients, ils patienteront, rétorqua Ferdinand Pitel.
    — Vous engrangez le matériau de vos futurs Mémoires ! s’exclama Lucas Le Flohic ! Moi qui pensais que vous rédigiez un indicateur des chemins de fer !
    — Mais il est pire qu’un flic ! s’emporta Gaétan Larue. Figurez-vous que je travaille au chantier de démolition de la Cour des comptes, ils vont construire une gare, j’abats mon pourcentage d’arbres, je n’ai aucun justificatif à produire concernant mes déplacements !
    — Subodorez-vous ce qu’il y a sous nos semelles ? demanda Georges Moizan, insensible aux reproches.
    — De la terre !
    — Vous voyez la fente d’à peine deux centimètres au milieu de cette dalle ? Eh bien, c’est l’entrée du logis d’une rate. Donnez-moi un nombre de petits qu’elle y élève ! Sept ! Je m’en vais exterminer cette vermine. Quelques gouttes de strychnine et hop ! Adieu la vie, adieu l’amour !
    — C’est révoltant ! s’écria Angélique Frouin. Vous êtes ignoble, fichez-leur la paix à ces bestioles, elles ne causent de tort à personne !
    — Et la peste ? Vous y songez, à la peste ?
    — La peste, c’est vous ! Que je vous y prenne, moi, à foutre du poison dans ce nid, assassin ! Je vous taille les oreilles en biseau ! Déjà que les déblayeurs de la Cour des comptes expédient hors de leur habitat des centaines d’innocents, des couleuvres, des chats, des fouines, des lapins, j’ai même entrevu un renard, gronda Gaétan Larue.
    Provoquant l’envie de ses voisins, Lucas Le Flohic encaissa le montant de deux gravures pieuses. Gaétan Larue leva les yeux au ciel.
    — Et vous, vous n’arrêtez pas de ranger, c’est une obsession ! lança-t-il à Fulbert Bottier qui fourrageait son étalage pour juguler son agacement de ne rien écouler.
    — Je classe mes commandes, riposta le bouquiniste, exaspéré.
    Le seul remède à son irritation, c’était un grog. Mais auparavant, il toucha le coude de Georges Moizan, affairé à manier le plumeau qui occupait en son cœur une place aussi primordiale que son calepin.
    — Vous avez enfin apporté ce que je vous ai prié de me fournir ou bien vous vous déciderez quand les poules auront des dents ? C’est que je suis pressé. Il y a une paye que vous me damez le pion, je vais finir par me fâcher rouge !
    — Je cherche, mon bon, je cherche. Je vais trouver. Je le déposerai chez Le Flohic en allant à la gare, vous me réglerez plus tard. J’ai une veine de cocu, un notaire de Caen m’a contacté pour l’achat d’une bibliothèque, une succession, je pars demain matin, retour prévu la semaine prochaine.
    — Oui ben, vous avez intérêt à vous grouiller parce que ma patience a des limites. Cessez de trifouiller vos gencives, c’est dégoûtant !
    — Je me suis cassé une canine, le dentiste me l’a extraite et m’en a fixé une artificielle sur pivot, elle se déchausse, c’est gênant.
    — Il est où votre dentiste ? J’ai des
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